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Quand les urgences s'inspirent de l'entreprise pour être plus efficace

18/5/14


Challenges, Actualité économique en France, analyse technique en économie et investissement



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Quand les urgences s'inspirent de l'entreprise pour être plus efficace

Laurent Fargues

Poste de régulation, indicateurs qualité, "bed managers" : pour désengorger leurs services, hôpitaux publics et cliniques privées s’inspirent de l’organisation des entreprises.

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Réunion du service du professeur Casalino, à l'hôpital Bichat. Marc Bertrand / ChallengesRéunion du service du professeur Casalino, à l'hôpital Bichat. Marc Bertrand / Challenges

Tout urgentiste connaît la ruse. La nuit, après le rush du début de soirée, ils profitent de l’absence des pontes des autres services de l’hôpital pour les coloniser : les patients sont transférés dans les lits disponibles et, au petit matin, les services de cardiologie, dermatologie ou chirurgie découvrent leurs nouveaux pensionnaires… "C’est affligeant,juge Mathias Wargon, chef des urgences à l’hôpital Saint-Camille de Bry-sur-Marne, dans le Val-de-Marne. Mais le forcing est nécessaire dans les établissements où les urgences craquent, tandis que des lits restent vides aux autres étages.D’ailleurs, se brouiller avec ses collègues, ça fait quasiment partie du job…"

Cellule de gestion des lits

A Metz, pour essayer de briser les baronnies, l’hôpital a même créé une cellule de gestion des lits. "Ça nous a changé la vie, se félicite le chef du service François Braun. Aujourd’hui, dès qu’un transfert coince, on contacte la cellule, et c’est réglé." Depuis leur ordinateur, les cinq "bed managers" ont une vision globale des places disponibles dans l’hôpital et les deux établissements voisins. En quelques mois, ils ont ainsi réduit de près d’une heure le temps de passage moyen aux urgences.

 
 

Pour réduire l’engorgement des urgences, les initiatives se multiplient dans les hôpitaux publics comme dans les cliniques privées. Il faut dire que la pression n’a jamais été aussi forte sur les 654 services d’urgences français : en dix ans, leur fréquentation a bondi de 5 millions de visiteurs par an à plus de 18 millions. Cette hausse, qui n’a rien à voir avec le nombre d’accidents de la route ou d’infarctus, est due à la pénurie de médecins disponibles en soirée et les week-ends. Or les urgences offrent un généraliste 24 heures sur 24 et permettent de réaliser un maximum d’examens en un minimum de temps. "Même si les gens attendent des heures, ils savent qu’ils en ressortiront avec un diagnostic, des radios, voire une intervention. Le tout aux tarifs de la Sécu. Qui dit mieux ?" s’interroge Maxime Cauterman, conseiller médical à la Fédération hospitalière de France.

Mais la surchauffe menace. Le 1er mai, jour férié oblige, nombre d’établissements de la région parisienne étaient saturés, selon les chiffres confidentiels du site Cyber-urgences. Avec des taux d’activité qui ont viré au rouge dès 17 heures dans les hôpitaux de Lariboisière, à Paris (171%), Jean-Verdier à Bondy (155%) ou Henri-Mondor à Créteil (163%)… "Il y a quelques mois, à l’hôpital Tenon, à Paris, j’ai attendu huit heures sur un brancard qu’un urologue vienne me voir. Avant qu’une infirmière finisse par me dire que le toubib était parti et que je devais rentrer chez moi", se souvient Julie, alors victime de calculs rénaux. Sans oublier le drame de l’hôpital Cochin du 15 février, lorsqu’une femme âgée est décédée en salle d’attente, alors que les infirmières croyaient qu’elle était déjà partie… A la fin mai, Martin Hirsch, le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, devrait d’ailleurs annoncer un train de mesures pour améliorer le fonctionnement des urgences.

Pilotage de grand magasin

N’en déplaise à Patrick Pelloux, le médiatique président de l’Association des médecins urgentistes, tout n’est pas qu’une question de moyens. Beaucoup de chefs urgentistes plaident, en effet, pour une réorganisation complète de leurs services. L’un d’eux, le professeur Enrique Casalino, fait figure de pionnier : en s’inspirant des méthodes des entreprises privées, il a révolutionné les urgences de l’hôpital Bichat, à Paris. Son service de 3.500 mètres carrés, l’un des plus fréquentés de France avec 220 passages par jour, est aujourd’hui piloté comme un grand magasin. A l’entrée, un tableau livre les temps moyens de passage et les jours les plus chargés, du vert au noir. "Comme à Conforama", s’amuse le médecin. Et tous les matins, il scrute les "indicateurs qualité" de la veille : temps moyens avant le diagnostic, durée des passages ou taux d’occupation des box.

Gare de triage

Ici, dix minutes après leur arrivée, les malades voient une infirmière. Puis ils sont orientés, selon la gravité de leur état, dans trois filières de soins différentes. Une étape décisive qui permet d’en renvoyer un tiers en salle d’attente. Ceux-là verront, pour une simple consultation, un médecin présent de 8h30 à minuit, qui enchaîne 70 rendez-vous par jour. Certains se verront prescrire une radio ou une prise de sang complémentaire, mais la plupart retourneront chez eux avec une simple ordonnance. Ce médecin, surnommé le "gardien de but", joue un rôle-clé : empêcher les patients de mettre un pied dans le service ! "Cette prise en charge rapide des malades les moins lourds peut paraître paradoxale dans la mesure où elle accélère la prise en charge des malades qui en auraient le moins besoin, décrypte la revue Annales françaises de médecine d’urgence. Mais des études ont montré que la fluidité globale du service s’améliore, profitant ainsi à l’ensemble des patients." A Bichat, la durée d’attente des patients légers a ainsi été divisée par cinq. "Mais attention à ce que ce circuit court ne soit pas source d’erreurs de diagnostics", avertit le médecin d’un autre établissement.

Les autres malades sont répartis entre les sept box du secteur bleu et les quatorze box du secteur rouge, réservés aux cas les plus graves. "Ils sont directement installés, personne n’attend dans les couloirs", affirme une infirmière. Pas question non plus de multiplier les brancards. "Systématiquement, les patients qui le peuvent se tiennent debout ou assis", poursuit la soignante. Les médecins savent que les box doivent être libérés au plus vite et, dans certains cas, les infirmières peuvent envoyer directement les malades au scanner. A l’intérieur, tout a été aménagé pour le confort des malades : pas de néons au-dessus de leur tête et des ordinateurs installés de sorte que les médecins ne leur tournent jamais le dos.

Mais l’innovation technologique majeure, c’est le poste central de régulation. De là, le patron des urgences a une vision en temps réel de l’activité du service. Sur un écran, chaque patient apparaît sous la forme d’un carré de couleur : rouge pour ceux qui prennent du retard, blanc pour ceux qui sont traités. Quatre fois  par jour, la quinzaine de médecins et d’infirmières se retrouvent pour discuter des dossiers. "La garantie de n’oublier personne et de pointer les retards", relate l’un des urgentistes. C’est aussi là que se prennent les décisions d’hospitalisation, qui concernent en moyenne 40% des patients "rouge" et 10% des "bleus".

Zone tampon

Ces techniques d’organisation quasi industrielles, certaines cliniques les ont aussi adoptées. Fait peu connu, le secteur privé totalise 125 services d’urgence, soit 19% du total, et il absorbe chaque année 13% du total des visiteurs. A Trappes, dans les Yvelines, à la clinique de Générale de santé, les malades ont un premier contact avec une infirmière en moins de huit minutes, et passent en moyenne moins de trois heures dans le service, un résultat flatteur.

Pour atteindre ce résultat, l’établissement a misé sur la coopération entre médecins. "Chez nous, il n’y a pas de médecin junior qui doit demander l’autorisation à son chef de faire un diagnostic, remarque Jacques Fribourg, l’un des piliers du service. Et les infirmières peuvent en permanence nous solliciter si elles ont un doute." Les spécialistes des autres services savent aussi se rendre disponibles, y compris la nuit. "Il faut dire que dans les cliniques, les médecins sont payés à l’opération. Ils ont donc tous intérêt à ce que l’établissement tourne", relève Guillaume Nathan, consultant chez Kurt Salmon.

Autre atout de la clinique de Trappes : les six lits-portes, qui font office de zone tampon entre les urgences et les autres services. Ils accueillent les patients qui ont besoin d’examens complémentaires ou que les urgentistes veulent garder sous surveillance. "Mais ces lits n’ont pas vocation à être occupés plus de 24 heures, prévient Romain M’Bow Wolny, l’un des urgentistes. Ce ne sont pas des salles d’attente avant hospitalisation." 

Dans la clinique, contrairement aux grands hôpitaux publics, la mutualisation des lits est la règle entre les urgences et les autres services. Une organisation de bon sens, selon l’ancien patron du Samu Marc Giroud : "Contrairement à une idée reçue, l’activité des urgences est très prévisible en volume. Nous connaissons les heures de pointe et les chiffres moyens d’hospitalisations par jour. Donc, pourquoi ne pas programmer les opérations des autres services en conséquence ?" Une autre piste à explorer pour réduire l’embouteillage des urgences. Et pour éviter, que, à la nuit tombée, les urgentistes des hôpitaux publics jouent les contrebandiers pour caser leurs malades dans des lits inoccupés. 

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