Un modus operandi qui pourrait - à la limite - fonctionner si la transformation digitale se limitait à la mise en place d’outils nouveaux dont il s’agit d’apprendre l’utilisation. Je dis « à la limite » car l’expérience montre l’inefficacité relative de telles démarches, souvent orientées sur la compréhension et la mise en œuvre de fonctionnalités en dehors de toute prise en compte des cas d’usage individuels, des besoins de chacun et qui, délivrées de manière monolithiques lorsque le collaborateur n’est pas dans une situation de travail où il peut en percevoir le bénéifice immédiat, sont aussi rapidement oubliées qu’elles ont été délivrées.

Alors bien-sûr les choses évoluent et les modules de prise en main courts, souvent sous forme de vidéos, se multiplient. Plus facilement digérés par le collaborateur, activables quand ils en ont vraiment besoin…à condition une fois encore de traiter des cas d’usage qui ont du sens plutôt que d’être orientés fonctionnalités.

Mais la transformation digitale c’est également de nouvelles pratiques, postures, modes opératoires que l’on apprend pas en lisant un livre ou en regardant une vidéo. Ces formats peuvent contribuer à sensibiliser mais ne sont pas suffisants. Et on ne parle pas des modules de e-learning qui se résument à de longues heures de solitude devant un écran.

En matière de transformation digitale, un module de formation s’appuie sur un triptyque sens-expérience-mise en œuvre.

Le sens, c’est ce qui fait qu’on va comprendre le « pourquoi », sa justification et sa légitimité dans le contexte de l’entreprise et du travail. Il ne peut se reposer sur une simple diffusion de contenu mais nécessite un échange. Un échange avec une personne « référante et légitime » mais également avec ses pairs car, parlant de la mise en place d’un modèle collaboratif, connecté, il s’agit de construire une compréhension partagée, un territoire commun. La compréhension et la construction du sens sont un préalable à l’identification des bénéfices. Bénéfices individuels dans le cadre de sa propre mission mais également bénéfices pour ceux dont on est responsables. Une phase indispensable qui permettra d’ailleurs au managers de comprendre l’importance d’une attitude exemplaire et l’intérêt qu’il y a à faciliter les choses au sein de leurs équipes.

Expérience, car l’appropriation du digital ne se limite pas à utiliser un outil mais à l’utiliser avec les autres. On peut apprendre à utiliser une calculatrice dans son coin mais pas à utiliser un réseau social, outil que l’on utilise non pas seul mais avec les autres dans un contexte précis qui est celui de l’entreprise et du rôle que chacun y occupe. S’immerger dans un contexte sécurisé, entre pairs, permet souvent de démystifier le sujet voire de créer de l’appétence avant de plonger dans le grand bain, au vu et su de tous.

Mise en œuvre, car il s’agit d’une évolution conjointe des outils et des comportements qui ne se met pas en place du jour au lendemain. C’est un processus qui s’inscrit dans la durée et au cours duquel chacun avance par petits pas, par itérations et qui demande souvent un suivi opérationnel et personnalisé dans la durée. En ce qui concerne la ligne managériale on voit d’ailleurs clairement émerger des besoins qui relèvent davantage du « mentoring » voire du coaching que de la formation stricto-sensu.

Alors quelles sont les caractéristiques d'un module de formation à l’entreprise digitale ? Il comprend des contenus bien sur. Mais ciblés, orientés usage et situations de travail. Ils sont actionnables à la demande et permettent au dispositif de facilement fonctionner à grande échelle. Mais s’ils sont la première des politesses, ils sont tout sauf suffisants. Il comprend également des interactions. Entre pairs, avec un référant, voire avec des « subalternes » dans le cadre d’un reverse mentoring.

Il associe ses participants à la construction de son contenu, de son déroulé voire de ses objectifs car on parle ici de mettre en place une réalité qui sera partagée ou ne sera pas. Il comprend des phases individuelles et collectives et donne la part belle à l’interaction et à la mise en contexte.

Le module de formation à l’entreprise digitale ne sera donc - paradoxalement - pas que digital. Il sera un mélange entre une expérience digitale et une expérience humaine  et donnera la part belle au bottom-up, revisitera  la notion de sachant, sera adaptable, voire agile. De quoi révolutionner la vision traditionnelle de la formation ?