Au moment où Barack Obama repasse à l’offensive avec son discours sur l’Etat de l’Union , « Les Echos » se penche sur la situation de l’Amérique, à travers six critères économiques et sociaux.
Au dernier semestre, l’économie américaine a bénéficié d’un gros coup d’accélérateur. Le PIB aurait progressé au rythme annualisé de 3 % au quatrième trimestre, estiment les économistes, soit nettement plus qu’au cours des quatre années précédentes. Contre toute attente, l’économie n’a même pas souffert de la crise budgétaire qui a paralysé le pays pendant deux semaines, début octobre. Elle profite d’une forte reprise du secteur immobilier, qui se reflète à la fois dans la hausse des permis de construire, des transactions et des prix. « Les vents contraires qui pénalisaient l’Amérique depuis la sortie de crise ont disparu », commente Thomas Costerg, économiste chez Standard Chartered. La rigueur budgétaire, qui avait amputé la croissance de 1,5 point en 2013, est ainsi quasi oubliée. Quant aux ménages, ils se remettent à consommer, après avoir épongé leurs dettes pendant quatre années.
Les écarts de richesse continuent de se creuser aux Etats-Unis. En 2012, les 10 % les plus riches ont accaparé 50 % des revenus du pays (salaires, plus-values, intérêts, etc.), soit un niveau jamais atteint auparavant, relèvent les économistes de l’université de Berkeley. La flambée de la Bourse, qui propulse le cours des actions au plus haut, n’y est évidemment pas pour rien. Le nombre de familles ne parvenant pas à se nourrir et à se loger correctement reste, lui, désespérément stable : la pauvreté touche encore près d’un Américain sur six. La préoccupation de l’Amérique n’est plus tant les créations d’emplois que la stagnation salariale : les rémunérations n’ont progressé que de 2 % l’an dernier, soit à peine plus que les prix. « Le plus inquiétant est que cette stagnation touche tous les secteurs », commente Thomas Costerg, économiste chez Standard Chartered. Seules la high-tech et l’énergie font exception.
Jamais les Etats-Unis n’ont autant exporté qu’aujourd’hui. Ils cumulent trois avantages que n’a pas l’Europe : une monnaie faible, des prix de l’énergie au plus bas et des salaires qui stagnent. L’exploitation de vastes réserves de gaz et d’huile de schiste a mis les Etats-Unis sur la voie de l’indépendance énergétique et réduit le prix du carburant à un plus bas historique. Elle permet au pays de produire deux tiers de pétrole de plus qu’il y a cinq ans. Conséquence : il n’a jamais vendu autant de produits pétroliers à l’étranger (13 milliards de dollars en novembre) et n’en a jamais importé si peu (28 milliards de dollars). Profitant de prix du gaz de deux tiers inférieurs à ceux de l’Europe, les industriels sont eux aussi plus compétitifs. Leurs exportations vers la Chine, le Canada et le Mexique ont bondi l’an dernier. Au total, les exportations américaines ont augmenté de 5 % sur un an.
Les Etats-Unis restent les plus gros pollueurs au monde, derrière la Chine. Mais la tendance est à l’amélioration. Depuis dix ans, le pays a réduit de 12 % ses émissions de gaz à effet de serre, soit son plus bas niveau depuis 1994. La récession qui a suivi la crise financière n’y est pas pour rien : les usines tournant au ralenti, elles ont consommé moins d’énergie. Mais, avec l’essor du gaz de schiste, le pays se trouve aussi en pleine transition énergétique : il consomme moins de charbon - préférant l’exporter vers l’Europe - et plus de gaz naturel (+ 19 % en dix ans). Les mesures prises récemment par la Maison-Blanche devraient accentuer la tendance : des normes drastiques sont prévues pour limiter la pollution des centrales à charbon. Elles sont tellement contraignantes qu’elle risque de porter un coup fatal à l’énergie minière. Le tiers des quelque 1.000 centrales à charbon pourrait fermer au profit d’énergies plus propres.
Les infrastructures américaines ne sont pas à la hauteur de la puissance du pays. Le budget qui leur est consacré a été réduit de moitié depuis les années 1960, indique la Maison-Blanche. Les trains roulent au ralenti, les routes sont surchargées et un dixième des ponts sont jugés « déficients ». Le plan d’austérité mis en oeuvre l’an dernier n’a rien arrangé : la rénovation des infrastructures étant plus faciles à reporter que les programmes de santé et d’éducation, le Congrès n’a pas hésité à tailler dans le vif. A titre d’exemple, les moyens accordés pour l’entretien des autoroutes ont été rabotés de plus de 3 % l’an dernier. Le pays continue d’investir beaucoup moins, en pourcentage de son PIB, que ne le font les autres économies développées. Pour mettre à niveau ses infrastructures, il faudrait qu’il y consacre 3.600 milliards de dollars d’ici à 2020. A peine 2.000 milliards sont prévus d’ici là.
Le système éducatif américain pèche surtout pour les plus jeunes : moins du tiers des enfants de moins de 4 ans disposent d’une place en école maternelle. La situation s’améliore, quoique moins rapidement que le souhaitait Barack Obama. Poussés par la Maison-Blanche, les Etats ont augmenté de 7 % les dépenses consacrées à la maternelle l’an dernier. Dans le Massachusetts et en Caroline du Sud, ce budget a même bondi de plus de 50 %. Ces efforts ne produiront leurs effets qu’à long terme. Pour l’heure, les Etats-Unis ont plutôt tendance à baisser dans les classements internationaux. En l’espace de trois ans, ils ont chuté de la 11e à la 21e place en lecture, selon le dernier classement international Pisa, publié en décembre. Leur niveau en mathématiques est jugé particulièrement médiocre : ils sont passés de la 25e à la 31e place. Le pays ne forme pas assez d’ingénieurs, au grand dam des entreprises qui n’arrivent pas à pourvoir leurs emplois.