Charte de famille, pacte d'actionnaire... ou parfois simple réunion de famille, l'important est de maintenir assez d'unité familiale pour conserver un bloc majoritaire soudé... et le pouvoir ! Volet #2 de notre série: hériter, c'est un métier.

Olivier Draeger, PDG des Editions Yvon (cartes postales)
D.R.
François et Olivier Mellerio, les dirigeants de la maison de haute joaillerie de la rue de la Paix (Mellerio dits Meller existe depuis 1515 !) s'apprêtent à transmettre l'entreprise familiale à la... quinzième génération ! Raphaël, fils de François, est administrateur et travaille comme juriste dans le groupe. Emilie, fille d'Olivier, qui est diplômée d'HEC et gemmologiste de formation, ne peut être à temps plein dans l'entreprise - elle a épousé un diplomate et vit actuellement aux Etats-Unis. "Nous inventons pour elle un mécanisme qui lui permettra à la fois d'avoir un oeil sur l'entreprise, d'être au conseil d'administration et peut-être d'assurer quelques fonctions opérationnelles à distance", confie Olivier Mellerio.
Le directeur général de la célèbre joaillerie se sait au milieu du gué : "Nous devons passer le flambeau à une partie des membres qui vont faire partie du bloc majoritaire familial sans forcément travailler dans l'entreprise. C'est pourquoi nous avons recruté un président extérieur à la famille, Maurice de Kervénoaël, dont la mission est de nous aider à mettre en place les outils de lien entre notre structureholding de contrôle familial et la structure opérationnelle. Il nous aide aussi à coacher les membres de la famille de la nouvelle génération de façon à ce qu'ils trouvent leur place."
Une charte confidentielle
La bonne gouvernance suppose un conseil de famille régulier, indépendant du conseil d'administration, où l'on peut tout déballer. Les points de vue opposés, les rancoeurs, les ambitions, les projets... Ainsi l'affection familiale en sort renforcée. Chez les Holder, les enfants et les parents - divorcés depuis trois ans - se réunissent tous les mois pendant une journée, au siège, à Lille.
La directrice générale, une fidèle depuis trente ans, joue le rôle d'animateur et de modérateur. "Nous avons consigné dans une charte familiale tous les points qui nous semblent importants. Par exemple, si nos parents disparaissent, nous envisagerons l'arrivée d'administrateurs indépendants pour ne pas tourner en rond entre nous", confie David, l'aîné de la fratrie.
A l'heure des divorces, des familles recomposées, du Pacs, il n'est pas inutile de poser des règles écrites dans une charte familiale. Ce document confidentiel permet de répondre à des questions comme l'intégration ou l'exclusion des "pièces rapportées" telles que les gendres et les belles-filles, le degré de consensus nécessaire pour adopter des décisions, les besoins financiers des actionnaires familiaux, les revenus assurés aux membres de la famille ayant eu un "accident de la vie", la formation et le tutorat des générations montantes, les conditions de sortie de l'entreprise, l'organisation de la retraite des membres du clan...