- Une statue représentant le travail en sidérurgieà Hayange. REUTERS/Vincent Kessler -
En toile de fond du mois de l’Economie sociale et solidaire (ESS) de novembre 2013, une nouveauté: la loi cadre dont le projet a été dévoilé en juillet par Benoît Hamon, ministre chargé du dossier, et qu'il présentait à l'Assemblée nationale ce 6 novembre 2013. Elle donne une plus grande visibilité à l’ESS et lui octroie de nouveaux outils pour que les entreprises du secteur puissent se développer et contribuer à la relance de l’emploi. La priorité consiste maintenant à ouvrir les accès à ces nouveaux outils, logés par exemple au sein de la Banque publique d’investissement (Bpifrance).
On parlait de cette loi cadre depuis plusieurs années, sans parvenir à la finaliser. Pourtant, l’ESS, qui regroupe les associations, les mutuelles, les coopératives et les fondations, joue un rôle déterminant dans la vie économique du pays. Ses 230.000 entreprises emploient 2,4 millions de salariés (un salarié sur huit du secteur privé), selon le panorama dressé par le CNCRES qui englobe tout le secteur.
Son poids est inégalement réparti su l’ensemble du territoire, variant du simple au double selon les régions: de 8,6% de l’emploi privé en Ile-de-France à plus de 16% dans le Limousin, en Poitou-Charentes et en Basse-Normandie, indique l’association Recherches et Solidarités.
A part l’année 2011, au cours de laquelle il a marqué le pas, l’emploi dans l’ESS progresse plus vite que dans le reste de l’économie. Au cours des dix dernières années, l’ESS a créé 23% de postes nouveaux contre 7% dans le reste du secteur privé. D’ici à 2020, le secteur devra rajeunir ses effectifs en renouvelant 600.000 emplois en raison des départs à la retraite, précise l’Union des employeurs de l’ESS. Ce qui contribuera à la dynamique d’embauche.
Entre les associations locales consacrées aux activités culturelles (près de 20.000 en France qui font travailler environ 60.000 salariés) et les mutuelles de santé qui, avec 104.000 salariés, emploient à elles seules les deux tiers de l’ensemble du secteur mutualiste, les comparaisons sont difficiles à établir.
Malgré tout, que ces établissements œuvrent dans l’enseignement, le sport, la santé, l’humanitaire, l’agriculture, l’hébergement ou les voyages, ils répondent tous à des besoins sociaux. A l’image des services à la personne portés aux deux tiers par des entreprises se revendiquant de l’Economie sociale et solidaire.
Groupements de personnes (et non de capitaux), ces diverses structures de l’ESS adhèrent toutes à certaines spécificités, concernant le mode de gestion (collective et participative) et l’application de principes de solidarité et de responsabilité. Il faut croire que ces objectifs séduisent les Français: 20 millions d’entre eux sont sociétaires d’une mutuelle de santé, ou d’une banque coopérative pour un nombre équivalent. Ce qui justifie l’éclairage particulier porté sur l’ESS et l’élaboration d’une loi cadre sur laquelle la droite et la gauche ont travaillé.
Les objectifs de cette loi sont multiples. Le gouvernement souhaite pousser à la création de sociétés coopératives et participatives, ces Scop dirigées avec la participation des salariés comme dans toutes les coopératives. On en compte en France environ 2.000 qui emploient 42.000 personnes. C’est relativement peu, alors que la loi de régulation des Scop remonte à 1978.
Pourtant, ce régime réactualisé en 1992 est particulièrement bien adapté pour que les salariés puissent, par exemple, reprendre une PME dont le dirigeant fondateur n’aurait pas organisé la transmission. Seulement un peu plus d’un patron de PME sur deux, estime-t-on, planifie la cession de son entreprise. Si on considère que, entre 2010 et 2020, 500.000 entreprises doivent changer de main dans l’Hexagone, les opportunités sont grandes pour les candidats à la création de Scop. D’autant que les statistiques de l’Union régionale des Scop (Urscop) révèlent que le taux de réussite à 10 ans d’une reprise sous forme de Scop atteint 80%.
La loi prévoit d’alléger les contraintes pour créer ce type de structure, en n’obligeant plus les salariés à détenir d’emblée la majorité du capital. Un statut transitoire de Scop d’amorçage permettra de dissocier, pour une période de sept ans, la majorité du capital et la majorité des voix. Les salariés qui s’engageront dans une reprise disposeront de la majorité des droits de vote avec moins de 50% du capital, tout en continuant de bénéficier du régime fiscal spécifique de la Scop.
Autre innovation: la loi autorisera une Scop à détenir la majorité des droits de vote d’une autre Scop du même groupe. L’objectif consiste à créer des entités coopératives ayant la taille critique pour être compétitives sur les marchés concurrentiels.
Grâce à ces deux dispositions, l’objectif du gouvernement est de doubler le nombre de Scop en cinq ans et de créer 40.000 emplois nouveaux dans ces structures présentes dans tous les secteurs d’activité, qu’il s’agisse des services, de l’industrie ou du bâtiment et des travaux publics.
Gilles Bridier