Aujourd’hui, les entreprises tentent donc de tirer plus de revenus de leurs innovations. D’abord parce que« le cycle de développement et la durée de vie des produits se raccourcissent dans bon nombre d’industries, analyse Dominique Ducay, directeur stratégie et développement de la propriété intellectuelle chez Thomson Reuters. Les entreprises ont donc un impératif stratégique et financier à rentabiliser leurs investissements en recherche et en innovation. » Certaines entreprises préfèrent la concession de licences, moyennant des redevances, à des concurrents ou à des entreprises dans d’autres secteurs ; d’autres choisissent de vendre leurs brevets, en se concentrant sur la recherche.
Mais faire valoir ses droits sur ses propres brevets est devenu de plus en plus difficile.« L’innovation se situe à la rencontre de plusieurs disciplines, un smartphone contient des milliers de brevets. Il est compliqué de faire valoir son invention dans ce cas », remarque Mohammed El Mansori. Repérer si une technologie ou certaines fonctionnalités brevetées sont utilisées par d’autres entreprises est le travail de cabinets spécialisés. Ces cabinets proposent un contrat de licence. « Une première étape moins agressive et amenant fréquemment à une négociation, avant l’action en justice », relève Dominique Ducay. Des sociétés appelées « patent trolls » ou « non practicing entity » rachètent ou gèrent des portefeuilles de brevets, et n’hésitent pas à créer des litiges auprès de sociétés utilisatrices.
Monétiser les brevets en suivant une stratégie scientifique
Cette monétisation à marche forcée de la propriété industrielle revêt des formes différentes selon les secteurs. « Dans les sciences de la vie, l’innovation est souvent portée par de petites structures très innovantes, puis intégrée ensuite par les grands groupes, explique Dominique Ducay. Dans la high-tech, principalement les télécoms, les semi-conducteurs ou le développement de logiciels, l’innovation se fait au niveau de grands groupes. » À l’inverse, il apparaît compliqué pour les petites entreprises de se faire une place. « La valorisation d’un seul brevet est faible, il en faut plusieurs pour en tirer une valeur marchande », constate Mohammed El Mansori.
Aussi, les partenariats sont encouragés. « Le codéveloppement est une piste intéressante pour les PME, concède Christophe Bielle, directeur entreprises du centre francilien de l’innovation. Cela permet à la fois de générer des revenus et de valoriser l’activité. » Toutefois, certains petits acteurs tirent leur épingle du jeu. Les laboratoires des Arts et métiers revendiquent plusieurs contrats de licence, la création de start-up à partir d’innovations « maison », avec des emplois à la clef. Dans cette course, Mohammed El Mansori appelle à trouver le bon équilibre : « ne pas déposer des brevets à tout-va, et trouver une innovation de rupture qui aura une vraie valeur marchande ». Pour lui, la monétisation ne doit pas faire l’économie d’une stratégie scientifique.