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Montebourg, prends garde ! Alstom ne sera pas un cas isolé

13/5/14

 

 
Challenges > Entreprise > Montebourg, prends garde ! Alstom ne sera pas un cas isolé
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Montebourg, prends garde ! Alstom ne sera pas un cas isolé

Anne-Marie Rocco

General Electric ou Siemens? Dans tous les cas, Alstom va passer sous pavillon étranger. Et ce n'est pas fini. D'autres groupes du CAC 40 sont dans le viseur de prédateurs venus d’ailleurs.

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Arnaud Montebourg lors d'une visite de l'usine d'assemblage de l'Airbus A380 de Colomiers, le 25 janvier 2013. (REMY GABALDA/AFP)Arnaud Montebourg lors d'une visite de l'usine d'assemblage de l'Airbus A380 de Colomiers, le 25 janvier 2013. (REMY GABALDA/AFP)

"Nous considérons que le compte n’y est pas." Cette déclaration du ministre de l’Economie et du Redressement productif, Arnaud Montebourg, le 30 avril, devant les députés de la commission des Affaires économiques, représente exactement ce que Patrick Kron voulait éviter. C’est pourquoi le PDG d’Alstom était si pressé de conclure son rapprochement avec General Electric (GE) : cet X-Mines n’ignore rien des relations si particulières qu’entretiennent en France l’Etat et l’industrie.

Le redresseur d’Alstom savait pertinemment qu’un projet de cession à l’américain GE aurait un impact médiatique considérable, surtout à trois semaines des élections européennes. Il avait d'ailleurs prévu d’annoncer son projet d’accord aux analystes financiers et à la presse le mercredi 7 mai, jour de publication de ses résultats annuels, après en avoir informé le gouvernement. C’est raté.

La révélation, le 24 avril, par l’agence américaine Bloomberg, de ses négociations avec Jeffrey Immelt, le PDG de GE, a chamboulé l’agenda du PDG d’Alstom. En quelques heures, le gouvernement et le chef de l’Etat se sont invités dans la discussion, obtenant un délai d’un mois avant l’ouverture de négociations exclusives entre le français et l’américain; le géant Siemens est entré dans la course avec l’appui du gouvernement allemand; et la perspective d’un passage sous bannière étrangère d’Alstom a lancé un vaste débat sur le thème "à qui le tour?"

Une question d’une actualité brûlante quand les liquidités abondent et que se dessine le nouveau paysage de l’industrie mondialisée : un leader par secteur et par continent. Quelles sont les marges de manœuvre pour un gouvernement désargenté, face à la poussée de telles forces?

"Il y a une alternative"

Si Arnaud Montebourg a accepté de s’expliquer devant les députés le 30 avril, avant le Conseil des ministres, c’est pour montrer combien il se démène pour que l’affaire ne soit pas "pliée". L’élu de Saône-et-Loire, dont la circonscription accueille une usine de GE et une usine d’Alstom, a rappelé sa réaction quand il a "appris le jeudi pour le dimanche, par hasard",l’existence des pourparlers.

"Nous avons demandé à Alstom de ne pas prendre de décision immédiate en invoquant le décret qui permet à l’Etat d’intervenir, et nous avons suscité une offre de la part de Siemens, qui avait pris contact en février avec Alstom. Il y a une alternative qui est posée sur la table." Le ministre a dit avoir aussi alerté le commissaire du gouvernement auprès de l’Autorité des marchés financiers "en lui demandant que l’égalité de traitement des offres soit assurée".

Résultat, dans le communiqué qu’il a dû publier quand sa cotation – suspendue après les révélations de Bloomberg – a repris, Alstom n’a pas pu annoncer l’ouverture de négociations exclusives avec GE, mais la simple mise à l’étude du projet, auquel les marchés financiers ont aussitôt adhéré. "Il y aura peu de problèmes d’emploi, et GE fera un apport en cash important qui permettra d’assainir et de recentrer Alstom sur le transport, où il possède un savoir-faire d’excellence, indique Christopher Dembik, analyste à Saxo Banque. Il n’existe pas vraiment de scénario alternatif."

Pourtant, rappelle Jean-Yves Hemery, secrétaire général de la fédération de la métallurgie CFE-CGC, Alstom était parti dans une tout autre direction : "Initialement, la piste officielle consistait plutôt à rechercher un partenariat pour la branche transport." Pas d’alternative, vraiment?

L'Allemagne salue cet interventionnisme

A Berlin comme à Munich, siège social de Siemens, l’interventionnisme du gouvernement français a –fait rare– été applaudi. Et la perche aussitôt saisie. "Pour la première fois, nous avons la chance de pouvoir réaliser un Airbus de l’énergie, et même un Airbus de la mobilité", raisonne Joachim Bitterlich, ancien conseiller diplomatique du chancelier Helmut Kohl, qui était à la manœuvre lors de l’offensive ratée de Siemens sur Alstom en 2004.

Un épisode qui a durablement marqué les relations franco-allemandes, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Economie, ayant opposé son veto à un rapprochement entre les deux groupes. En 2009, la rupture des liens entre Siemens et Areva –jusqu’alors ils développaient ensemble le réacteur nucléaire EPR– a semblé sonner le glas de toute coopération dans le secteur.   

"L’énergie pourrait être le secteur de la relance européenne", argumente pourtant le très francophile et francophone Joachim Bitterlich, soulignant qu’il y a "200 milliards d’euros à investir en France dans ce secteur, et autant en Allemagne". Pourquoi ne pas commencer par rapprocher les industriels? Dirigé depuis moins d’un an par Joe Kaeser, Siemens a très vite compris qu’il avait là une occasion historique, qui ne se représentera plus, de devenir l’égal d’un GE ou d’un Mitsubishi. Dès le 10 février, l’Allemand a fait le déplacement à Paris pour proposer à Kron de reprendre sa division énergie et de lui apporter une partie de sa branche transport, l’activité ferroviaire.

Siemens revoit vite sa copie

A l’époque, les difficultés d’Alstom commencent à être connues. Le ministère du Redressement productif a même commandé au cabinet allemand de conseil en stratégie Roland Berger une étude sur l’avenir de l’entreprise, remise le 13 février. Elle passe en revue plusieurs pistes, avecAreva, Schneider Electric ou le groupe Safran. Et surtout, celle d’un rapprochement avec Siemens. Preuve de l’intérêt et de la réactivité de Joe Kaeser, ce dernier a revu très vite sa copie après la révélation du contenu de l’offre de GE.

Désormais, Siemens se dit prêt à apporter également ses tramways et ses métros, gonflant la présence d’Alstom dans le transport urbain, secteur en très fort développement. Il proposerait de créer deux entreprises à 70/30, l’une dans l’énergie, contrôlée par le groupe allemand, et l’autre dans le ferroviaire, contrôlée par le français. Ce dispositif serait complété par une société commune, à parts égales, dans la signalisation.

Pour l’économiste Elie Cohen (CNRS), spécialiste des questions industrielles, "Siemens peut très bien faire la proposition qui sera impossible à refuser s’il apporte toute sa branche transport et met sur la table autant de cash que GE". Cela ne ferait pas plaisir à Patrick Kron, qui considère Siemens comme son principal adversaire. Resterait aussi à convaincre la Commission européenne de juger des questions de concurrence en fonction des parts de marché mondiales, et plus seulement des parts de marché en Europe : "L’évolution de la doctrine de la Commission est en cours", assure Joachim Bitterlich.

"On n’invente pas un groupe européen en claquant des doigts, rétorque Joseph Crespo, président de la fédération CFTC-métallurgie. Si l’on prend l’exemple d’Airbus, il a fallu vingt ans de travail pour la mise en place de ce groupe."

Le CAC 40 regorge de proies

GE ou Siemens, seules issues possibles? "Nous aurions préféré une solution franco-française", note, avec une pointe d’amertume, Jean-Yves Hemery (CFE-CGC). Ce que déplorent aussi les autres syndicats. Et même certains grands patrons. "Les récentes annonces concernant Lafarge et Alstom font suite à une longue liste de très grandes entreprises dont le destin s’éloigne progressivement de notre pays, et cela me met en colère", écrivait Xavier Huillard, dans une tribune du Figaro. Pour le PDG de Vinci, "toute entreprise est condamnée à grandir et n’a qu’un choix, celui d’être “proie” ou “prédateur”".

Si Xavier Huillard se situe lui-même du côté des prédateurs, combien d’autres groupes français seront des cibles? Dans un pays dépourvu de fonds de pension, où les "noyaux durs" qui avaient permis de protéger les entreprises privatisées ont fini par être dénoués, les sociétés du CAC 40 représentent des proies faciles, à l’image de Pechiney ou Arcelor au tournant des années 2000.

Alors que l’américain Pfizer vient de lancer une offre sur l’anglo-suédois AstraZeneca à 76 milliards d’euros, la taille n’est plus un bouclier. Sanofi, deuxième capitalisation boursière française, pourrait être touché par la consolidation en cours dans l’industrie pharmaceutique. Tout comme Saint-Gobain, Legrand, Alcatel, ou encore Danone, déjà visé en 2005 par un projet d’OPA de l’américain PepsiCo.

"Aujourd’hui, aucune entreprise n’est à l’abri, pas même Total, qui vaut 120 à 130 milliards d’euros", résume Elie Cohen. Parmi les futurs champions mondiaux d’origine européenne, combien de français? C’est bien la question que le PDG d’Alstom, Patrick Kron, qui s’est battu pour en être, pose publiquement.

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