"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années". Cette phrase du Cid de Corneille s'applique à bien des égards aux patrons. Si tout le monde connaît l'ascension fulgurante du fondateur de Facebook Mark Zuckerberg, à peine 29 ans et déjà multimilliardaire, une étude de la Neoma Business School va encore plus loin.
En analysant les entreprises du S&P 500 américain depuis 2005, les chercheurs de cette école en sont venus à une conclusion étonnante : les PDG néophytes sont souvent plus performants que les dirigeants expérimentés. Cela s'explique notamment par la tendance des chefs d'entreprise qui passent d'un poste de PDG à un autre à se reposer sur leurs acquis. Ils prendraient également des décisions plus stéréotypées qui ne sont pas nécessairement adaptées au contexte de la société.
Quoi qu'il en soit, patrons expérimentés comme novices commettent toujours des erreurs. Quelles sont les plus fréquentes? Challenges.fr est allé poser la question à Hiscox, assureur spécialisé notamment dans la responsabilité civile professionnelle. A partir de leur base de données de 20.000 clients dans l'Hexagone, ils ont déterminé les erreurs ou omissions les plus courantes. Or ces erreurs peuvent coûter cher quand les différends finissent devant les tribunaux. Et ce d'autant plus que le projet de loi sur la consommation actuellement en débat prévoit d'autoriser les actions de groupe. De quoi contribuer à judiciariser davantage la société française.
Comme l'explique Laurence Raguideau, responsable des assurances professionnelles chez Hiscox :
1. Mal comprendre les besoins des clients
C'est, paradoxalement, l'erreur la plus fréquente. Prenons le cas d'une SSII qui vend un logiciel spécifique à un client. La phase de définition des besoins doit être particulièrement minutieuse. Sous peine que le client se retrouve avec un logiciel qui ne corresponde pas à ses attentes ou qui soit tout simplement inadapté à son activité parce que certaines fonctionnalités sont absentes.
Le chef d'entreprise doit donc apprendre à connaître son client sur le bout des doigts. Il doit ainsi se poser une série de questions précises sur son client: qui est-il? Quelle est son activité exacte? Pourquoi fait-il appel à lui ? Cela permettra de comprendre les problématiques essentielles de l'entreprise qui fait appel à vous et de mettre au point un cahier des charges précis.
2. Sous-estimer l’ampleur des engagements d'un contrat
Le cas se présente souvent pour des TPE ou des PME qui répondent à l'appel d'offre d'une grosse structure. Les rapports de force entre donneurs d'ordre et sous-traitants sont souvent déséquilibrés. Les exigences sont très élevées et il arrive que des PME s'engagent avec une grande entreprise, alors qu'elles n'ont pas forcément les moyens de répondre à ses demandes.
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Hiscox a, par exemple, eu le cas d'un spécialiste en conseil fiscal qui avait signé un contrat avec une très grande entreprise mais qui n'avait pas dédié assez de personnel pour étudier les dossiers. Ce qui a entraîné des erreurs dans les dossiers, faute de moyens humains et de délais suffisants.
Un conseil: restez prudent! Les délais sur lesquels vous vous êtes mis d'accord doivent être raisonnables. Vous devez aussi émettre des réserves par écrit sur certains points qui vous paraissent flous. Il ne faut pas se précipiter. Mieux vaut rater un contrat que vous n'auriez pas pu correctement honorer de toute façon que de se jeter à l'eau et se planter en beauté. En cas de doute, rien n'empêche le dirigeant de contacter son assureur pour vérifier que les engagements pris sont tenables et non disproportionnés.
3. Démarrer une mission avant d’avoir signé un contrat écrit
L'appât d'un contrat juteux ne doit pas vous faire perdre tout bon sens. Certains dirigeants commencent à confier à leurs équipes une mission avant d'avoir signé un contrat en bonne et due forme. L'un des assurés d'Hiscox a par exemple travaillé pour le compte de son client pendant un an avant que le contrat ne soit formalisé par écrit. Entre temps, le budget initial avait explosé et le patron avait dû réaliser des investissements financiers de taille qui n'étaient pas prévus à l'origine. Or, le contrat a finalement été signé sur la base de ce qui avait été convenu un an plus tôt. Le chef d'entreprise s'est retrouvé piégé et la pérennité de son entreprise compromise.
Le chef d'entreprise doit absolument signer un contrat avant de commencer à travailler. A fortiori si cela implique d'embaucher du nouveau personnel ou d'engager des frais importants. En outre, pour sa sécurité, le dirigeant doit définir avec précision les besoins de son client, sa mission, et des clauses limitatives de responsabilité claires et précises.
Ainsi en cas de litige, votre assureur pourra évaluer la conformité de votre prestation par rapport au contrat et évaluer les responsabilités de chaque partie prenante. Cela vous évitera aussi dans bien des cas de lourdes procédures judiciaires.
4. Négliger la phase du choix d’un sous-traitant
Quand vous êtes dans la position de celui qui délègue une tâche à une entreprise tierce, il ne faut pas non plus opérer un choix à la légère. Le travail du sous-traitant va impliquer votre entreprise, son image. Or, en cas de problème, vous serez le seul à faire face aux réclamations de vos clients. En outre, si vos clients ne sont pas au courant que vous avez fait appel à un sous-traitant, les échanges peuvent rapidement s'envenimer car ils se sentiront floués.
Conclusion: recrutez votre sous-traitant comme si vous embauchiez un salarié. Vérifiez également que votre sous-traitant dispose des capacités pour répondre à votre demande et qu'il est aussi bien assuré. Avec votre client, jouez la transparence et prévenez-le que vous allez avoir recours à un tiers extérieur pour une partie de la prestation.
5. Transformer un différend en conflit de personnes
En cas de litige, les sentiments sont exacerbés et le différend peut laisser place à des rancunes personnelles entre dirigeants. En particulier, dans le cadre de projets longs. C'est un piège dans lequel il ne faut pourtant pas tomber. Cela ne fait pas avancer les débats et finit par bloquer toute possibilité d'une conciliation à l'amiable.
Il faut prendre le problème d'un point de vue factuel et juridique. Un assureur vous aidera à mettre en place une bonne défense. Dans tous les cas, il faut avoir à sa disposition un maximum d'éléments matériels pour faire valoir ses droits : détails des faits, données relatives au litige, documents contractuels… Il s'agit aussi de préserver, dans la mesure du possible, les relations commerciales établies.