VIE PROFESSIONNELLE - Qui a dit que la méditation était une pratique pour babas zinzins en quête de zénitude? Comme pour mieux mettre à mal ces clichés éculés, les études se suivent, se ressemblent et mettent en valeur les bienfaits de ces pratiques dans de nombreux domaines, parmi lesquels la prise de décision.

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que de nombreux PDG américains lapratiquent. De Rupert Murdoch (News Corp) en passant par Bill Ford (Ford), Rick Goings (Tupperware), ils seraient en effet nombreux à avoir adopté la méditation, et plus particulièrement à une technique bien spécifique: la pleine conscience.

Si l'on devine leurs intentions, rester calme, se recentrer, développer une qualité de présence à eux-mêmes alors qu'ils font face à une obligation de résultats très forte, une récente étude de l'INSEAD codirigée par le doctorant Andrew Hafenbrack montre que la pleine conscience pourrait bien aider... à prendre de meilleures décisions.

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Des décisions prises en dépit du bon sens

"J'ai remarqué que je prenais de meilleurs décisions lorsque j'étais calme. Je voulais voir si c'était le cas d'autres personnes et à partir de là, je suis parti à la recherche d'une pratique qui favorise cet état," explique Hafenbrack au HuffPost. Assisté par sa collègue Zoe Kinias et le professeur Sigal Barsade, Andrew Hafenback met alors en place une série de tests pour évaluer les effets de la méditation sur un erreur bien connue des économistes, les coûts irrécupérables.

Pour le comprendre, imaginez un manager qui a investi une bonne part de son budget dans un projet. Mais ce projet ne lui rapporte rien, l'argent investi est perdu. Seulement voilà, il continue d'investir en pensant que cela va bien finir par payer. Un processus qui s'avère souvent être une mauvaise décision coûteuse pour l'entreprise. Et c'est normal car il est difficile de se détacher de ce dans quoi l'on s'est investi.

"Dans de nombreuses situations, des émotions comme la peur, l'angoisse, le regret ou encore la culpabilité par rapport à d'anciennes décisions jouent un rôle inconscient dans la mécanique de prise de décision," explique Hafenback. Des exemples? Certaines campagnes de l'armée américaine pendant la guerre du Vietnam ou, plus récemment, au Proche Orient, ou encore, plus proche de chez nous... le Concorde dans lequel France et Grande-Bretagne ont continué d'investir longtemps après avoir pris conscience qu'il n'était pas rentable.

Efficace même après un temps très court

Alors comment la méditation peut-elle aider? Pour celui qui pratique la pleine conscience, la réponse paraîtra évidente. Exercices de respiration, scanner corporel, la pratique de la pleine conscience a pour objectif d'inscrire pleinement le méditant dans le temps présent, un numéro d'équilibriste qui a pour effet de calmer certains processus cérébraux. Car les IRM montrent bien que l'état naturel du cerveau est de sauter d'une pensée à l'autre de manière plutôt désordonnée. En méditant, on atténue ce processus.

Pour en avoir le coeur net, Hafenbrack et son équipe ont mis au point un protocole expérimental qui leur a permis de mesurer les effets de la méditation sur la prise de décision. Avant de se retrouver face à un scénario impliquant de prendre une décision face à un dilemme de coût irréversible, un groupe de volontaire a été invité à méditer, notamment grâce à des exercices de méditation, tandis que l'autre a été conditionné par une procédure encourageant la distraction, visant ainsi à reproduire l'état mental naturel.

Le bilan fut sans appel. Ceux qui avaient médité ont particulièrement mieux résisté que les autres à ce dilemme et furent plus nombreux à prendre la meilleure décision possible. Selon Zoe Kinias, le plus surprenant est l'ampleur des effets positifs de la méditation après un temps relativement court. "Dans une de nos expériences," explique-t-elle, "plus de la moitié des volontaires du groupe témoin ont pris la mauvaise décision alors que 22% du groupe de méditants avait pris la bonne alors qu'ils n'avaient médité que pendant 15 minutes."

Bientôt au programme d'HEC?

Faudrait-il enseigner la méditation dans les écoles de commerce? Andrew Hafenbrack estime que c'est envisageable. "D'après ce que l'on sait aujourd'hui, je pense qu'on peut affirmer que la méditation en pleine conscience peut aider les dirigeants qui se trouvent dans des situations où ils doivent faire abstraction des décisions et des investissements faits avant, pour prendre la décision la plus rationnelle qui soit."

Ce principe, Hafenbrack, qui pratique désormais régulièrement la pleine conscience, se l'applique à ses propres choix. "Lorsque j'ai déjà investi du temps, de l'argent ou tout simplement de moi-même dans quelque chose, je trouve que c'est utile de se demander si je devrais continuer à aller dans cette direction en raison des efforts que j'ai déjà faits. Dans ces situations où la réponse est non, notre étude montre que la méditation aide à prendre la bonne décision."

Pour le jeune chercheur, ce n'est d'ailleurs que le début. "Google a tout un programme d'apprentissage de la méditation et de l'intelligence émotionnelle à destination de ses employés," rappelle-t-il, citant le nom de Chade-Meng Tan, l'un des meilleurs ambassadeurs de la pleine conscience aux Etats-Unis qui n'est autre... qu'un employé de la firme de Mountain View, dont le livre Search Inside Yourself s'est imposé comme un best-seller.

Andrew Hafenbrack, lui, voudrait tout de même savoir si ce qu'il a observé en laboratoire se vérifie dans la réalité. "Je veux voir s'il y a vraiment des bénéfices concrets à méditer. Je pense que cela pourrait être déterminant afin que les gens cessent de voir la pleine conscience comme une pratique new-age mais bien comme quelque chose relevant du bon sens, et qui peut avoir une influence positive sur les émotions et les décisions," conclut-il, enthousiaste.

7 bienfaits de la méditation remarqués par la science:

 

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  • La méditation permet d'améliorer la plasticité du cerveau

    La méditation améliore les mécanismes par lesquels le cerveau est capable de se modifier par l'expérience. En clair, sa plasticité. Pendant une grande partie du siècle dernier, l'idée selon laquelle le cerveau cessait d'évoluer une fois passé l'âge adulte, prévalait chez les scientifiques. Mais des recherches conduites par le neuroscientifique Richard Davdison ont montré que les personnes pratiquant une activité de méditation régulière ont une activation plus intense de leur cortex préfrontal gauche que celle de leur cortex préfrontal droit ce qui leur permet de mieux contrôler leurs pensées et leur réactivé.

  • Elle améliore notre matière grise

    En 2005, une étude menée auprès d'américains et d'américaines pratiquant la méditation a montré qu'ils avaient des parois corticales plus épaisses que les non pratiquants. Une information qui prend tout son sens une fois que l'on sait que les parois corticales sont étroitement associées à la prise de décision, l'attention et la mémoire et que plus elles sont épaisses, plus le cerveau vieillira lentiment.

  • Meilleur que le sommeil ?

    Lors d'une étude, en 2006, des étudiants ont été invités à dormir, à méditer ou à regarder la télévision. On a ensuite testé leur vigilance en les invitant à appuyer sur un bouton à chaque fois qu'ils discernaient le flash d'une lumière sur un écran. Et ô surprise, ceux qui avaient choisi la méditation s'en sont mieux sortis que les rêveurs et les zappeurs avec des résultats de plus de 10% supérieurs.

  • Plus efficace que les médicaments contre l'hypertension

    En 2008, le Dr Randy Zusman a demandé à 60 personnes souffrant d'hypertension artérielle d'essayer durant trois mois un programme de relaxation basée sur la méditation. Au sortir de l'expérience de trois mois sans aucune médication complémentaire, 40 des 60 patients ont fait montre d'une baisse significative de leur pression artérielle. Ils ont également pu réduire la consommation de certains de leurs médicaments grâce à la formation d'oxyde nitrique, qui ouvre les vaisseaux sanguins, résultant de la pratique de la relaxation.

  • Elle peut participer à la protection de vos télomères

    Derrière ce nom barbare se cache en réalité des sortes de petits capuchons placés à l'extrémité de tous nos chromosomes pour les protéger. Plus ils sont longs plus vous êtes susceptibles de vivre longtemps. Or, des recherches effectuées par l'Université de Californie sous la houlette de Davis Shamatha ont montré que les personnes qui pratiquent la méditation ont une activité télomérase beaucoup plus élevée que les autres. En clair, des télomères plus longs, plus forts, plus efficaces.

  • Elle peut ralentir la progression du virus du VIH

    Une autre étude menée en 2008 sur des patients séropositifs a révélé qu'après s'être adonné huit semaines durant à la méditation, ces derniers n'avaient montré aucun signe de baisse de leurs lymphocytes. Dans le même temps, les patients qui n'avaient pas médité les avaient vu se réduire comme peau de chagrin. Or lymphocytes et globules blancs sont, comme on le sait, le cerveau de notre système immunitaire et d'autant plus importants pour les personnes atteintes du VIH. L'étude a par ailleurs démontré une hausse des niveaux de lymphocytes après chaque séance de méditation. Mais en raison de la taille réduite de l'échantillon, seulement 48 volontaires, ces résultats, aussi encourageants soient-ils, sont bien évidemment à prendre avec des pincettes. Affaire à suivre donc.

  • Ses propriétés anti-douleurs surpassent la morphine

    Nouvelle étude, nouveau bienfait. La Wake Forest Baptist University a constaté que la méditation pouvait réduire l'intensité de la douleur de 40% et son désagrément de 57%. À titre d'exemple, la morphine, pourtant archi reconnue dans ce domaine, n'agit qu'à hauteur de 25%. Comment c'est possible ? Tout simplement en agissant directement dans le cortex somatosensoriel qui est étroitement lié à la perception et au ressenti de la douleur. Les plus pragmatiques d'entre vous diront sûrement que c'est trop beau pour être vrai. Ils n'auront pas forcément tort, puisqu'une fois encore, la faiblesse numérique de l'échantillon de personnes sur lequel l'expérience a été menée impose de ne pas tirer de conclusions définitives.

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  • Bientôt un classique?

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  • Pour une pratique plus large

    Docteur en philosophie, Fabrice Midal a fondé l'École occidentale de méditation. Loin de vouloir réduire la méditation à ses aspects "pratiques", il milite pour une pratique laïque, mais aussi plus spirituelle. L'ouvrage est accompagné d'un CD pour vous guider dans vos méditations.

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