Permettez-moi, une fois n'est pas coutume, d'évoquer un cas personnel. Un de mes neveux a été accepté, après un BTS, dans une école de biologie pour faire une licence pro qualité, sécurité, recherche et analyse alimentaire. Un secteur d'avenir. Il lui faut, pour suivre cette licence professionnelle en alternance, trouver une entreprise de l'agroalimentaire pour l'embaucher en contrat d'apprentissage. Depuis quatre mois, il n'essuie que des refus ou des non-réponses, malgré des dizaines de demandes. À 23 ans, après des études assez pointues, il est désespéré.
Et voilà que je découvre mercredi que le gouvernement entend supprimer l'aide versée aux entreprises ayant recours à l'apprentissage. Je croyais que François Hollande voulait passer de 435 000 à 500 000 apprentis en trois ans ! Je croyais que nous avions tiré des leçons de nos retards, alors que nous comptons moins de 600 000 apprentis quand l'Allemagne en compte 1,6 million ! L'une des clés de son succès économique tient à son système d'apprentissage en alternance. Un système grâce auquel le taux de chômage des moins de 25 ans est de 5,5 % alors qu'en France il dépasse les 25 %.
En France, l'apprentissage n'a pas la cote, mais je croyais que la gauche, qui avait fait de la jeunesse sa priorité, allait y remédier. Qu'elle allait faire en sorte, forte de son ancrage historique dans les traditions ouvrières, qu'on commence enfin à valoriser ce système au lieu de continuer à mépriser le travail manuel et les formations techniques. En France, nos dirigeants politiques sont rarement issus du monde de l'entreprise, à part l'exemple toujours cité de René Monory, ancien garagiste. Mais peut-on imaginer ici que l'équivalent du patron de Daimler puisse arriver à ces sommets en ayant commencé comme apprenti ? Que l'équivalent de Franz Müntefering, devenu vice-chancelier en 2005, ait commencé lui aussi comme apprenti dans la vente ? C'est tout un système où l'apprentissage est valorisé. Et pour commencer, l'entrée dans le monde professionnel ne se fait pas à moitié puisque dans l'"Ausbildung" (l'apprentissage) les trois-quarts du temps sont passés en entreprise. Mais ensuite, il y a continuité entre apprentissage et embauche, puisque 60 % des jeunes apprentis sont engagés par l'entreprise qui les a formés.
Bien sûr, hier, devant le tollé suscité par cette mesure, le gouvernement a rapidement rétropédalé. Pourquoi cette bévue ? Pour faire des économies, évidemment. Mais ne voit-on pas qu'il s'agit d'une logique comptable à courte vue qui, à l'image des plans d'austérité, est totalement contre-productive. Que vont devenir ces jeunes pourtant très motivés par l'apprentissage et qui se prennent à douter de leur avenir ?
Publié dans la République des Pyrénées