Rappelons-nous : 1998, un an avant la naissance de la monnaie unique, les excédents commerciaux des futurs membres de la zone euro atteignent 70 milliards. Et si l'Allemagne est de loin le plus gros exportateur, la France et l'Italie dégagent, elles aussi, de confortables excédents, laissant l'Espagne seule dans le rouge parmi les grandes économies de la zone. Mais l'histoire de l'euro commence mal, les excédents fondent rapidement et 2000 se termine dans le rouge avec un déficit de 26 milliards. Ce ne sont pas les exportations qui posent problèmes, elles progressent de 25% sur la période, mais bien plus les importations qui s'envolent de 43% dans une Europe dont la consommation intérieure flambe. Mais les excédents remontent jusqu'en 2004. Pourtant ce n'est une parenthèse conjoncturelle. L'éclatement de la bulle internet brise la croissance et casse les demandes intérieures. Du coup, c'est le plongeon pour les importations. Mais, en arrière-plan, deux transformations majeures sont déjà à l'œuvre. Dans le Sud de la zone euro et en France, les pays choisissent de stimuler la consommation et la construction. Une évolution facilitée par l'euphorie des faibles taux d'intérêt, la croissance des salaires et l'écrasement des prix des biens de grande consommation avec la déferlante des produits des pays émergents. C'est aussi pour la France le choc des délocalisations menées par plusieurs multinationales, notamment dans l'automobile : les importations françaises, italiennes et espagnoles bondissent de 47% entre 2003 et 2008. Mais la stratégie allemande est toute autre. Elle donne la priorité aux réformes structurelles pour restaurer sa compétitivité, elle joue la dévaluation fiscale, la modération salariale et mise à fond sur les PECO pour bénéficier d'une main d'œuvre qualifiée à bon marché, sans oublier de monter gamme : ses exportations s'envolent de 47%, un exploit réalisé au détriment de ses partenaires européens à qui elle prend des parts de marché. Et si 2008, est une année noire pour la zone euro avec un déficit record de 54 milliards d'euros, c'est un excellent millésime pour l'Allemagne qui dégage des excédents records (176 milliards), alors que la France, l'Italie et encore plus l'Espagne s'enfoncent dans des déficits abyssaux. Mais la crise de 2008-2009 rebat les cartes. Les pays du sud s'enfoncent dans les déficits économiques et financiers : c'est la crise de l'euro. Et faute de pouvoir dévaluer la monnaie, l'ajustement s'opère par la déflation salariale. Les demandes domestiques sont écrasées, ce qui fait plonger les importations. Les comptes extérieurs se redressent alors mécaniquement. Mais les exportations peinent à redécoller. C'est peut être suffisant pour dégager un excédent record grâce à l'Allemagne avant tout, c'est peut être suffisant pour assurer le retour des excédents même en Italie et presque en Espagne ; mais c'est un rétablissement spectaculaire qui met en panne tout le marché intérieur de la zone euro. Et cela rend la reprise très laborieuse.
Le Graphique, Zone euro : 15 ans de commerce extérieur, une vidéo Xerfi Canal
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