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La France est l’homme malade de l’Europe »

12/5/14


Les Echos

 
INTERVIEW

George Soros : « La France est l’homme malade de l’Europe »

Par Pierre de Gasquet | 11/05 | 12:15 | mis à jour à 19:13 | 23commentaires
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Pour le fondateur et président de Soros Fund Management, les performances de la France sont à la traîne en partie en raison du « manque de courage politique du gouvernement français et du pouvoir excessif des syndicats ».



 
George Soros - AFP/Thomas Peter
George Soros - AFP/Thomas Peter

Pourquoi avez-vous appelé l’Union européenne à adopter un Plan Marshall en faveur de l’Ukraine ?

En fait, j’évite désormais d’employer cette expression car elle ne correspond pas à l’esprit du moment. Mais l’Europe doit aider positivement l’Ukraine face à la Russie qui fera tout pour la déstabiliser. Moscou va vouloir faire une économie modèle pour que l’Ukraine souffre de la comparaison. La Russie ne tient pas vraiment à occuper militairement l’Ukraine et à en prendre le contrôle car ses ressources financières sont limitées. La Russie peut toujours dépenser 50 milliards d’euros sur Sotchi ou le même montant en Crimée. Mais faire la même chose avec l’Est de la Crimée lui coûterait trop cher. C’est pourquoi l’Union européenne a un rôle économique à jouer.

Que pensez-vous de l’efficacité des mesures de sanctions économiques prises jusqu’ici à l’égard de Moscou ?

Les sanctions actuelles sont purement symboliques et sont même parfois contre-productives. Il y a une fuite constante des capitaux car les oligarques ne se fient pas au régime russe. Jusqu’ici, c’était compensé par le flux des investissements étrangers. En revanche, la menace de sanctions additionnelles est effective en ce sens qu’elle accélère la fuite des capitaux. Ce qui affaiblit vraiment l’économie russe, c’est quand le flux des investissements étrangers se tarit. Cela a marché dans une certaine mesure. L’économie russe se dirige vers une récession et une chute de la valeur du rouble. La politique de Poutine ne sera plus aussi populaire dans un an qu’aujourd’hui. Mais l’effondrement de l’économie ukrainienne pourrait être encore plus important que le déclin de l’économie russe. C’est pourquoi, plus encore que les sanctions contre la Russie, une aide économique et un apport d’investissements seront cruciaux pour l’Ukraine. A son crédit, la chancelière Merkel a pris une position courageuse. Mais ce n’est pas suffisant. J’irais même jusqu’à dire que l’on devrait émettre des euro-bonds dans cette optique. Ce serait une «contingent liability» qui ne coûterait rien.

Pensez-vous toujours que la mise en place des «eurobonds» reste une priorité pour la zone euro ?

Politiquement, c’est impossible, car Angela Merkel s’est engagée à y opposer son veto. Ce n’est pas réaliste. D’ailleurs, la prime de risque a pratiquement disparu : cela ne ferait plus une différence pratique notable. Ce qu’il faut aujourd’hui c’est une manière de stimuler la croissance. C’est le problème non résolu. L’Europe continue à poursuivre une fausse doctrine monétaire en défendant, pour la forme, un objectif d’équilibre budgétaire et de réduction des déficits, au détriment de la demande. Heureusement, sans le dire ouvertement, l’Allemagne l’a plus ou moins abandonné et les pays endettés ont obtenu un peu d’oxygène. C’est pourquoi l’économie est désormais stabilisée. Mais il y a toujours un fardeau excessif sur les pays lourdement endettés. Aujourd’hui, il serait préférable de donner la priorité à la croissance.

Que pensez-vous de la récente position du gouvernement français sur la nécessité de lutter contre le niveau trop élevé de l’euro fort en ayant une nouvelle approche monétaire ?

C’est parfaitement raisonnable. Je pense qu’un euro moins fort aiderait tout le monde, mais sans doute plus la France que l’Allemagne. La BCE elle-même commence à reconnaître le problème de la déflation et la nécessité de se pencher davantage sur les taux d’intérêt. Ce serait peut-être préférable pour la BCE d’intervenir sur les taux d’intérêt et d’acheter des dollars pour déprimer le niveau de l’euro plutôt que de s’engager dans une politique d’assouplissement monétaire. La BCE a déjà injecté beaucoup de liquidités dans le système bancaire. La difficulté est de transférer les liquidités des banques dans l’économie réelle. Et le «quantitative easing» n’aide pas sur ce point.

Etes-vous d’accord avec l’économiste Joe Stiglitz pour dire que l’euro a été une erreur, même si on ne peut plus faire marche arrière aujourd’hui ?

Avec le recul, je suis d’accord. A l’époque, je n’ai pas été plus intelligent que le marché ou les autorités. J’ai réalisé que l’euro était une monnaie incomplète mais je pensais qu’on pourrait y remédier avec le temps. Mais la volonté politique a manqué par la suite. A l’époque, je n’ai pas réalisé que les pays membres pourraient être confrontés au risque de faire défaut en créant une banque centrale européenne indépendante.

Qui est aujourd’hui l’ «homme malade» («sick man») de l’Union européenne à vos yeux ?

Pour moi, c’est la France. Car le pays n’a pas le handicap d’avoir à payer une lourde prime de risque car sa perspective est liée à celle de l’Allemagne. Et néanmoins, même avec cette position privilégiée, ses performances sont à la traîne par rapport à l’Espagne ou l’Italie. L’Espagne a fait bien davantage que la France en matière de réformes structurelles. C’est en grande partie lié au manque de courage politique du gouvernement et au pouvoir excessif des syndicats.

Considérez-vous que le risque d’éclatement de la zone euro est désormais écarté ?

Oui. Il y a une reconnaissance générale que l’euro est destiné à durer. Les autorités ont montré leur capacité à défendre l’euro. Mais à long terme, les risques politiquesrestent élevés. L’insatisfaction de l’opinion pourrait encore augmenter et pousser les électeurs dans un sentiment anti-européen. Il faut que ce décalage soit corrigé. Sinon, le risque subsiste que l’euro puisse détruire l’Union européenne à long terme.

Propos recueillis par Pierre de Gasquet, envoyé spécial à Florence
 
Écrit par Pierre de GASQUET 
Correspondant à Rome 
 
 
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