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Pourquoi Obama déroule le tapis rouge à Hollande

16/2/14



Les Echos


 
ANALYSES

Pourquoi Obama déroule le tapis rouge à Hollande

Par Lucie Robequain | 09/02 | 16:06 | mis à jour le 10/02 à 08:52 | 13commentaires
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ANALYSE - La cote de popularité de François Hollande a autant augmenté aux Etats-Unis qu’elle s’est effondrée en France. La détermination avec laquelle il a géré l’intervention au Mali puis en Centrafrique a été interprétée de manière très positive par les Américains.

François Hollande est reçu en visite officielle aux Etats-Unis, un statut privilégié - Les Echos
François Hollande est reçu en visite officielle aux Etats-Unis, un statut privilégié - Les Echos

Barack Obama sort le grand jeu. Il reçoit François Hollande pour une visite d’Etat , un privilège qu’il n’a accordé qu’à six dirigeants depuis son arrivée à la Maison-Blanche et qui se révèle beaucoup plus exigeant qu’une simple visite officielle. Les deux chefs d’Etat ont au préalable pros l’initiative de publier une tribune commune vantant le partenariat franco-américain . Les deux hommes doivent se retrouver lundi au domaine de Monticello, un haut lieu de l’amitié franco-américaine, où résidait le président Jefferson, l’un des premiers ambassadeurs à Paris. Une débauche de luxe et de gourmandises est encore prévue demain soir pour le dîner à la Maison-Blanche, où les smokings sont évidemment de rigueur.

Comme son prédécesseur, Barack Obama n’a jamais raffolé de ces rencontres. Il y consent beaucoup moins que ne le faisaient Ronald Reagan, George Bush père et Bill Clinton. Il a d’ailleurs réussi l’exploit de n’en organiser aucune depuis deux ans : la dernière visite d’Etat faisait honneur au Premier ministre britannique, David Cameron, et remonte à mars 2012. Outre qu’elles le privent de ses dîners en famille, elles ont l’inconvénient d’être très protocolaires et coûteuses. Des sommets un peu vieille époque, en somme, qui ne correspondent pas forcément à la diplomatie du XXIe siècle. Avec cette visite d’Etat, Barack Obama accorde davantage les honneurs que l’on réserve à un allié diplomatique qu’à un ami.

Car, d’amitié, il n’est pas question. Les deux hommes se connaissent à peine. Hormis les G20 et les G8, ils n’ont guère eu d’occasions de se croiser. Ce n’est d’ailleurs ni dans le caractère de François Hollande ni dans celui de Barack Obama que de feindre une relation personnelle étroite – une mise en scène d’autant plus difficile que Michelle Obama est privée de toute complicité avec une première dame de France. On est ainsi très loin du pique-nique champêtre auquel George Bush avait convié Nicolas Sarkozy à l’été 2007, dans sa résidence familiale du Maine. On est également très loin de la familiarité – largement feinte – avec laquelle le même Nicolas Sarkozy traitait Barack Obama depuis 2009. François Hollande s’inscrit d’ailleurs bien plus que son prédécesseur dans la tradition des chefs d’Etat français. Comme François Mitterrand et Jacques Chirac, il défend cette attitude gaullienne, faite de respect et de souveraineté. « Sarko l’Américain » voulait se mettre à côté du président Obama, François Hollande préfère lui faire face. Il a affirmé son indépendance dès mai 2012, en lui annonçant le retrait des troupes françaises en Afghanistan.

La France a retrouvé sa place parmi les pays amis

Il n’est pas certain que cela déplaise à Barack Obama. Malgré son large sourire, l’homme n’a jamais goûté aux familiarités de Nicolas Sarkozy. La forme ne doit d’ailleurs pas masquer le fond : dans les faits, les relations entre les deux pays se sont beaucoup améliorées depuis dix ans. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la cote de popularité de François Hollande a autant augmenté aux Etats-Unis qu’elle s’est effondrée en France. La détermination avec laquelle il a géré l’intervention au Mali puis en Centrafrique a été interprétée de manière très positive par les Américains, et notamment par les républicains. Longtemps vilipendée pour son opposition à la guerre en Irak, la France a ainsi retrouvé sa place parmi les pays amis, ceux qui osent risquer la vie de leurs soldats pour contrer l’islamisme. Elle envoie ses troupes avant même que les Etats-Unis interviennent, ce qui convient parfaitement à la Maison-Blanche : c’est même le cœur de sa stratégie, que les diplomates appellent ­« leading from behind » (« diriger en arrière-plan »).

Alors, bien sûr, les deux présidents ont eu quelques accrocs ces derniers mois. La volonté de Barack Obama de consulter le Congrès avant une intervention en Syrie, alors que les pilotes français étaient déjà prêts à décoller, a humilié l’Elysée. « Tout était au point pour le jour que nous avions choisi », a encore confié François Hollande la semaine dernière au magazine « Time ». Par maladresse plus que par mépris, Barack Obama a ainsi froissé le seul chef d’Etat européen à lui avoir apporté un soutien inconditionnel sur le dossier syrien. Il n’est d’ailleurs pas exclu que la visite d’Etat ait été avant tout décidée pour réparer cet incident diplomatique.

Le dossier syrien est loin d’être clos

Mais les deux présidents conservent beaucoup d’intérêts communs. Barack Obama n’est pas mécontent d’avoir un leader européen qui ose défier l’austérité allemande. Le modèle français ne fait évidemment pas rêver les Américains, mais Paris conserve un poids politique suffisamment fort en Europe pour encourager les politiques de croissance – ce qui dope les exportations américaines. Le virage de François Hollande, qui se proclame social-démocrate et n’a jamais autant parlé de compétitivité, est d’ailleurs plutôt bien vu à Washington.

Qu’on ne s’y trompe pas toutefois : la rencontre entre les deux présidents traitera bien plus de diplomatie que d’économie. Le dossier syrien est loin d’être clos : par un hasard du calendrier, il doit même se rouvrir aujourd’hui, à l’occasion du deuxième round de négociation à Genève entre le régime syrien et l’opposition. Et, dans ce domaine, Paris reste le meilleur allié de Washington. Le Premier ministre britannique, David Cameron, est complètement paralysé par son Parlement. Quant à Angela Merkel, elle perpétue la tradition d’une Allemagne non interventionniste. Le nombre de grandes puissances soucieuses de garantir la sécurité dans le monde s’est réduit comme peau de chagrin. C’est pour cela que la Maison-Blanche a tant besoin de la France aujourd’hui.

 
Écrit par Lucie ROBEQUAIN 
Correspondante à New York 
 
 
 
 
 

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