ENTRETIEN Gilbert Cette, professeur d’économie à l’université d’Aix-Marseille, a écrit il y a quelques mois un rapport sur la formation professionnelle pour l’Institut de l’entreprise. S’il salue le premier pas que représente l’accord du 14 décembre, il regrette qu’il ne prévoie pas les réformes à venir.
L'Usine Nouvelle - L’accord auquel sont parvenus les partenaires sociaux représente-t-il une réforme "en profondeur" de la formation professionnelle, comme le souhaitait le ministre du Travail ?
Gilbert Cette - L’accord va dans la bonne direction, mais il reste encore énormément à faire ! Il n’était pas possible, en trois mois de négociations, d’aboutir à une refondation complète de la formation professionnelle, comme il était souhaitable. Cet accord représente un premier pas, important, mais je regrette qu’il ne prévoie pas d’autres négociations, sur la durée, afin de poursuivre le processus de réforme. Il aurait fallu aller plus loin, poser les jalons d’un droit à l’employabilité.
Les droits à la formation pourraient être définis en fonction de la distance à l’emploi. Les 150 heures de formation prévues pour le compte personnel de formation peuvent suffire à certaines personnes, mais être totalement insuffisantes pour d’autres. Elles représentent un mois de formation tous les six ans, ce n’est pas énorme. On aurait pu poser les jalons d’une évolution future du CPF, en fonction des publics et de leurs besoins.
"L’accord va dans la bonne direction", dites-vous. Par exemple ? Quels sont les progrès significatifs ?
Créer un compte personnel transférable est une très bonne chose, tout comme les mesures qui faciliteront la formation des demandeurs d’emploi ou dans les petites entreprises. Tout le début de l’accord, le chapitre I sur le développement des compétences, est important.
L’entretien professionnel tous les deux ans, par exemple, où devra être abordée la formation, aura une réelle portée. D’autant que tous les six ans, il débouchera sur un accord écrit. Cela ne profitera pas aux salariés mobiles, mais c’est un pas vers une meilleure prise en compte de la formation dans une optique ascendante, de montée des qualifications. Dans le fond, l’accord repose sur une implication réciproque plus forte des entreprises et des salariés, quelle que soit la taille de l’entreprise. C’est très important !
L’accord va-t-il aboutir, comme souhaité, à plus de transparence et de simplicité de la formation professionnelle ?
On n’a pas réglé le problème de la contribution de la formation professionnelle au financement des organisations patronales et de salariés. Le ministre du Travail a annoncé la supression du preciput (NDLR : 1,5% de l’argent de la formation que les partenaires sociaux pouvaient prélever pour leurs besoins propres).
Reste deux soucis : les frais de gestion des OPCA, très élevés, et qui permettent aux partenaires sociaux de rémunérer des permanents, et la qualité des prestataires de formation, que l’accord n’aborde pas du tout. Il aurait été utile de continuer une réflexion systématique, pour assainir complètement le système. Un progrès tout de même : en fléchant l’origine et la destination des ressources des OPCA, on rend plus difficiles leurs usages inappropriés. Enfin, côté simplification, il est évident que le CPF sera très simple d’utilisation pour le salarié, même si la mécanique, derrière, restera complexe.
Pensez-vous, comme le dit la CGPME, que les salariés des petites entreprises sont les sacrifiés de la réforme qui se dessine ?
Certains éléments de l’accord, sur la mutualisation, donnent un peu plus qu’aujourd’hui aux petites entreprises… La bonne question, c’est de savoir s’il est logique de conserver deux OPCA interprofessionnels, Agefos-PME et Opcalia, l’un dans le giron de la CGPME, l’autre dans celui du Medef. Il y a une réelle déperdition de moyens dans cette juxtaposition !
Propos recueillis par Cécile Maillard