Aux côtés de DongFeng, le gouvernement français pourrait entrer au capital de PSA Peugeot Citroën. Il y serait plus légitime qu’au capital de Renault.
Oublié le PSA de l’été 2012, "malade imaginaire" selon le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg. Après avoir douté des difficultés du second constructeur français, le gouvernement envisagerait désormais une prise de participation dans le capital du groupe lors d’une levée de fonds de près de 3 milliards d’euros. Des représentants de l’Etat français seraient actuellement en Chine, selon la presse française, pour négocier cette prise de participation aux côtés de DongFeng, le partenaire historique du constructeur automobile dans l’empire du milieu.
Et si le ministre de l’Economie a calmé le jeu en affirmant le 12 octobre que "la question aujourd'hui n'est pas d'abord celle de l'entrée de l'Etat ou d'un constructeur au capital", Pierre Moscovici, élu du pays de Montbéliard, et qui à ce titre pratique régulièrement la famille Peugeot, a confirmé que Bercy suivait le dossier "avec attention". L’Etat a en effet déjà apporté en octobre dernier sa garantie à la Banque PSA Finance et fait entrer Louis Gallois au comité de surveillance. Ce dernier joue les missi dominici entre l’Etat et la famille Peugeot. La force publique aurait aujourd’hui tout intérêt à aller plus loin.
1/ Pour préserver l’emploi en France
PSA reste l’un des plus gros employeurs de France, avec, à la fin 2012, 91 071 salariés dans l’Hexagone. Le groupe possède six usines d’assemblage, qui ont produit l’année dernière 1 113 600 véhicules et devraient en produire 950 000 cette année. Aux usines terminales s’ajoutent onze sites de mécanique et quatre centres de R&D. En prenant entre 10 et 15% de PSA, l’Etat apporterait une garantie du maintien de l’outil industriel menacé par la situation financière du groupe. PSA brûle en effet toujours environ 100 millions d’euros de cash par mois. Ni l’accord de compétitivité, ni le Plan Rebond 2015 ne porteront complètement leurs fruits avant la fin de l’année prochaine. Or, depuis le début de l’année, les parts de marché du groupe en Europe continuent de reculer : les ventes de PSA ont reculé de 12,3% sur le Vieux continent.
2/ Pour en faire un champion à l’international
Cet ancrage européen a cependant fortement contribué aux difficultés actuelles de PSA. Grâce à l’augmentation de capital, le groupe pourra soutenir son développement en Chine, le premier marché automobile mondial. Mais aussi au-delà, à destination du Sud-Est asiatique et de la Russie, un autre marché en fort développement, voire aussi de l’Amérique Latine. Le lancement de l’usine de Kaluga (Russie) ou le plan sur cinq ans pour la coentreprise DPCA avec DongFeng ont constitué depuis trois ans un gros effort financier pour le groupe. Pour devenir un champion à l’international, PSA va devoir maintenir ses investissements. "La croissance c’est bien, mais c'est coûteux. Pour la maintenir, il faut investir" rappelle Frédéric Fréry, professeur de management stratégique à l’ESCP.
3/ Pour sauver un nom historique du capitalisme français
La marque Peugeot est apparue il y a plus de deux siècles et incarne, depuis le début du XXème siècle, l’automobile française, aux côtés de Renault. Si la marque au losange a réussi à se réinventer grâce à son alliance avec Nissan à la fin des années 90, les partenariats de PSA (et notamment le dernier avecGeneral Motors), n’ont pas réussi à le sortir de l’ornière. Investir dans PSA permettrait à l’Etat de perpétuer une grande entreprise française, avec une empreinte industrielle forte dans le pays. A titre de comparaison, Renault, dont l’Etat possède 15%, n’a produit en France que 491 901 véhicules en 2012 et y emploie 53 249 salariés, soit moitié moins que PSA. Si, à la sortie de la Seconde guerre mondiale, la prise de participation dans Renault pouvait se justifier, le soutien de PSA fait aujourd’hui davantage de sens.
4/ Pour gagner de l’argent
La prise de participation de l’Etat pourrait aussi se révéler une bonne affaire financièrement parlant. L’action PSA est depuis un an et demi au plus bas. Or le groupe possède une belle ligne de produits et de nombreuses innovations technologiques qui peuvent le faire rebondir. Si le groupe se redresse d’ici 2016/2017, comme le suggère le plan engagé par Philippe Varin, l’Etat rentabiliserait son investissement, quitte à céder ses parts une fois le groupe stabilisé.
5/ Pour ne pas laisser le champ libre à DongFeng
L’arrivée du groupe chinois au capital de PSA inquiète en interne. "Les 2 milliards d’euros dont le groupe a besoin ne se trouvent pas sous le sabot d’un cheval, lance un représentant syndical. Mais il ne faut pas croire que les Chinois se laisseront manœuvrer. S’ils prennent 30% du capital, il ne faut pas pour autant penser que la famille Peugeot se retire" s’alarme un représentant syndical.
Un autre ajoute : "Le développement en Chine est une bonne chose, car PSA est trop centré sur l’Europe. Mais qu’en sera-t-il des emplois en France ? Est-ce que l’augmentation de la production locale ne se fera pas au détriment des usines françaises ?" Une prise de participation de l’Etat ferait contrepoids face aux velléités de DongFeng, qui pourrait devenir le premier actionnaire. Cela permettrait d’avoir un interlocuteur, voire un contrepoids face à l’Etats chinois, qui détient DongFeng, le partenaire de PSA.
Pauline Ducamp