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Chaîre européenne du Management de l'immatériel

13/10/13






 

 










 
 
 

Présentation

L’Université Paris-Sud 11 a officialisé le 21 mai 2008 le lancement de la première Chaire européenne sur le management de l’immatériel, en partenariat avec Bouygues Telecom, le CIGREF, la Fondation d’entreprise EADS, l’INPI, l’OCDE, l’Office Européen des Brevets et la Banque Mondiale.

L’objectif de cette chaire est de contribuer à la mutualisation des connaissances et au développement des capacités de recherche par la création d’un espace international d’échange, de formation et de recherche, en s’appuyant notamment sur les capacités de recherche de l’Université Paris-Sud 11, sa réputation internationale, et son attractivité pour les chercheurs au plan national et international. La Chaire est coordonnée par le Professeur Ahmed Bounfour, titulaire de la Chaire, et coordinateur scientifique de la Conférence mondiale sur le capital immatériel des communautés (co-organisée avec la Banque Mondiale), depuis 2005. Cette chaire confirme le partenariat intense entre l’université, les établissements publics et les entreprises privées sur des questions au cœur des préoccupations économiques.

Discours inaugural par Ahmed Bounfour

Télécharger le discours

"Madame La Présidente,
Mesdames, Messieurs,
Chers collègues, Chers amis

La Présidente de notre université vient de le souligner, l’immatériel est une ressource essentielle au développement des organisations. Certes ce n’est pas à proprement parler un thème nouveau, et tant la théorie économique que la théorie des organisations l’ont considérée de longue date. Mais il est des évolutions importantes qui rendent ce thème d’une singulière pertinence aujourd’hui tant au plan de la recherche que de l’action.

L'immatériel appelle à une transformation profonde des modes de pensée et d’action des managers et des décideurs publics. L’immatériel est une ressource généralement invisible, mais pourtant omniprésente dans les systèmes socio-économiques. On pense naturellement d'emblée aux droits de la propriété intellectuelle (brevets, dessins et modèles, marques, logiciels...). Mais l'immatériel intègre également d’autres facteurs souvent sous-estimés : les processus organisationnels, les infrastructures technologiques, les systèmes d'information, la réputation, les actifs relationnels, et naturellement la connaissance tacite présente dans le cerveaux de chacun des collaborateurs d’une entreprise ou d’une organisation. C'est dire l’étendue du champ, et la difficulté de tout exercice de modélisation et de valorisation ; ceci d'autant plus que ces facteurs se caractérisent par une grande volatilité : contrairement aux biens matériels, les ressources immatérielles ne créent de valeur que combinées entre elles ainsi qu’à des ressources à caractère matériel.

Au plan théorique, sans remonter aux origines de la théorie économique, et de sa sœur jumelle, la théorie des organisations, nous disposons aujourd 'hui d’un ensemble de théories intéressantes et stimulantes, dont la combinaison devrait nous permettre d’aborder sous un angle nouveau la question de l’immatériel dans les organisations, et le cas échéant de répondre aux préoccupations des dirigeants : la théorie des ressources, la théorie des capacités dynamiques en stratégie, bien sûr, mais également la théorie de l’évolution ou la théorie des coûts de transaction, ou les théories anthropologiques par exemple. Pour autant, disposons nous d’une réelle théorie générale de l’immatériel bien articulée et permettant de répondre de manière claire aux questions urgentes qui se posent ? Rien n’est moins sûr.

Notre vision du modèle de création de valeur dans les entreprises doit être fondamentalement remaniée, dans un contexte où les interstices (en raison de l’importance des réseaux) deviennent les véritables lieux de création de valeur. De même que les parties prenantes de l’entreprise souffrent d’une réelle asymétrie de l’information, au premier rang desquels, comme l’ont montré les travaux de Lev, les marchés financiers. Or nos enseignements et plus généralement nos modes de pensée sont encore fondamentalement marqués par la raison unitaire : l’entreprise avec ses instruments de reporting emblématiques : le bilan et le compte de résultat, et plus généralement l’organisation considérée comme unité de base de l’analyse, même si ses interactions avec son environnement sont prises en compte. Le même problème se pose au niveau macroéconomique, avec toute la question de l’intégration des immatériels dans la mesure du PIB et au-delà.

En outre, la question de l’immatériel doit être pensée dans une perspective systémique : elle concerne non seulement les entreprises (et pas seulement celles cotées en bourse), mais également les patrimoines et processus publics : celui des Etats, mais également des régions, des villes et de toute organisation à vocation non marchande, ainsi que des centres de recherche et des universités.

Par ailleurs, les modèles socioéconomiques sont en profonde mutation. Il s’agit là d’une dimension souvent sous-estimée. La problématique de l’immatériel ne peut être considérée sérieusement sans tenir compte des modes organisationnels sous-jacents au nouveau capitalisme. La question de la connaissance dans l’organisation est maintenant largement débattue dans la littérature économique et managériale. Pour autant, nous ne disposons pas réellement de modèles et de théories clairement établies, ou plus précisément, nos visions actuelles n’intègrent pas suffisamment les modèles socio-économiques émergents. En effet, le problème de la connaissance ne peut être sérieusement considéré sans tenir compte des nouvelles règles sous-jacentes au nouveau capitalisme : un capitalisme certes cognitif, mais un capitalisme dont l’ordre implicite jusque là dominant - l’entreprise hiérarchique unitaire- est en cours de transformation. En particulier, il convient de mettre en évidence comment les modes d’organisation en émergence (le réseau, la communauté, l’individu en solo) vont inciter à l’émergence de nouvelles formes d’actifs immatériels à modéliser, valoriser, et manager  : les actifs individuels idiosyncrasiques ainsi que les actifs de reconnaissance dans un cadre communautaire (communautés contraintes, communautés quasi-organiques et communautés organiques), vont naturellement jouer un rôle de plus en plus importants dans le cadre de la valorisation

Au plan institutionnel, l’Agenda de Lisbonne avait défini un objectif stratégique pour l’Europe : devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive au niveau mondial vers 2010. Mais quelles que soient ses insuffisances, l’Agenda de Lisbonne comporte un élément clé de pertinence : celui de considérer la connaissance- et ses actifs liés- comme la ressource clé, dont la mobilisation est déterminante pour assurer au continent un niveau de développement satisfaisant, compatible avec les conditions de concurrence internationale, ainsi qu’avec l’objectif de cohésion sociale affirmé par ledit Agenda.

Dans ce contexte, et en termes opérationnels, la question de l’immatériel prend un relief nouveau ; elle devient le cœur d’un dispositif collectif de management d’une ressource-clé, avec comme perspective le développement harmonisé de l’action collective au sein d’un système socio-économique, articulé autour de la « triple hélice » qui, comme nous le savons, est censée intégrer de manière articulée trois grands acteurs : les universités, les entreprises (et leurs réseaux) et les décideurs publics (nationaux, régionaux ou locaux).

C’est autour de cette perspective qu’une véritable action de valorisation du capital immatériel de communautés organisées peut être assurée de manière judicieuse. C’est la perspective que nous considérons comme la plus adaptée à l’économie de la connaissance, et autour de laquelle l’efficacité des actions publiques, notamment en France, doit être évaluée.

Le développement et la valorisation du capital immatériel en France ne peuvent être organisés de manière satisfaisante qu’en mettant l’université au cœur du dispositif de la triple hélice. Derrière ceci, se profile toute la question de la performance des systèmes socioéconomiques, et sa réévaluation tant au plan analytique que de l’action.

Enfin, la bataille concurrentielle qui s’annonce, entre entreprises, nations, régions, villes et universités, se joue pour l’essentiel sur le niveau d’investissement et la qualité de leurs ressources immatérielles. C’est la raison pour laquelle de nombreux pays, ont mis en place des programmes, en particulier à vocation microéconomique, destinés à mieux valoriser le patrimoine immatériel : En Europe, les pays nordiques (Danemark, Finlande, Suède notamment), et plus récemment L’Autriche et l’Allemagne. Au Danemark, une loi a été votée en 2001 incitant les entreprises à diffuser des informations sur les actifs immatériels (pour ceux jugés particulièrement pertinents). En Allemagne, un programme de reporting a également été mis en place, par le Ministère fédéral de l’économie, à destination des PME. Ce programme est en œuvre depuis maintenant plus de deux ans.

Au Japon, et plus généralement dans la zone asiatique, il y a un intérêt très fort pour le sujet. Le METI a mis en place son propre programme de valorisation à un triple niveau : les entreprises tant pour la propriété industrielle que pour les immatériels considérés dans un sens large ; les régions et les villes et plus récemment au plan macroéconomique, avec un travail d’évaluation conduit par le RIETI pour le compte du METI, mais également par l’OCDE.

La Chine et l’Inde ne sont pas en reste, et de nombreuses universités allouent d’importantes ressources à l’intégration de la dimension purement immatérielle dans l’analyse de la performance des entreprises et des systèmes socio-économiques.

Le Brésil, grâce à un programme de la BNDES, une grande banque dont Eduardo Rath, l’un des Vice-présidents nous fait l’honneur d’être parmi nous aujourd’hui, cherche à recentrer une partie de ses 20 milliards de $ d’investissement annuels vers la valorisation du capital immatériel des entreprises brésiliennes.

Plus près de nous, les pays méditerranées, tant du Maghreb que de l’Orient , s’efforcent de développer des stratégies fondée sur la connaissance et ses actifs liés, en s’efforçant de tirer parti de ressources pétrolières et surtout de la jeunesse de leur population.

La France, dans ce contexte, fut pionnière, du sujet : Au début des années 1980, avec notamment plusieurs rapports du Plan, un rapport du Crédit national pour le compte de l’OCDE de 1987, et plusieurs rapports du Conseil Economique et Social. Mais la pratique managériale n’a pas réellement suivi. Les évolutions récentes tendent à suggérer que ce thème redevient central tant au plan de l’action politique que managériale, avec notamment la création de l’APIE – Agene du Patrimoine Immatériel de l’ETat– en 2007, une innovation mondiale, et le développement de plusieurs initiatives d’associations professionnelles, au CIGREF et au MEDEF notamment. Une réelle articulation entre entreprises, institutions publiques, et universités autour de ce thème devient possible : elle est à portée de main.

A travers ce mini Safari, se profile l’étendue du champ et l’importance de la révolution de paradigme à venir. L’objet du programme de la chaire proposée est d’y aider. C’est en effet, dans ce contexte qu’il convient d’inscrire ce projet, dont dont l’ambition principale est de contribuer à une pensée et à une action sans cesse renouvelées.

Je vous remercie de votre attention.

Ahmed Bounfour"


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