- Une demandeuse d'emploi, à Nice en février 2013. REUTERS/Eric Gaillard. -
Le ministre du Travail Michel Sapin ne se prive pas de lerépéter: «La situation du marché du travail s’améliore progressivement.» Il s’agit de convaincre l’opinion publique que la promesse de François Hollande d’inverser la courbe du chômage à la fin de l’année sera tenue.
Et pourtant, sur un marché de l’emploi qui ne parvient pas à se redresser en l’absence d’un véritable coup de reins des entreprises pour investir et embaucher (sur un an en août, d'après les chiffres publiés le 25 septembre, on compte une augmentation de 7,3% du nombre des personnes sans emploi), un indicateur porte malgré tout à un léger optimisme: le chômage des jeunes de 15 à 24 ans qui, toujours selon Michel Sapin, se référant à la définition du BIT, «a diminué de 2% au 2ème trimestre, et de 4% sur les deux premiers trimestres de l’année». Et le troisième trimestre semble suivre la même tendance.
Certes, on peut relever dans la photographie du marché de l’emploi des phénomènes qui tiennent plus compte de la gestion des statistiques que d’une véritable reprise de l’emploi. Ainsi, en août, les cessations d’inscription à Pôle Emploi pour défaut d’inscription ont augmenté de 38% en un mois! On peut s’en étonner. Mais les jeunes ne sont pas les plus concernés par ce phénomène.
La France, on le sait, n’est pas un bon élève de l’Europe pour l’emploi de ses jeunes. Certes, elle ne connaît pas la situation dramatique de l’Espagne et de la Grèce, où 52% et 65% des moins de 25 ans sont sans emploi. Mais avec 25%, elle fait moins bien que la moyenne européenne (23%) et arrive loin derrière l’Allemagne (7,5%).
Au début de l'année 2013, le nombre des jeunes au chômage en France a continué de progresser. Mais depuis quatre mois, le nombre des demandeurs d’emploi de moins de 25 ans recule dans l’Hexagone. Un phénomène qui ne s’était pas produit depuis avril 2011!
Pas de triomphalisme: l’inflexion n’est pas spectaculaire. Leur nombre n’a baissé que de 0,5% en mai par rapport au mois précédent, de 0,3% en juin, de 0,8% en juillet et de 3,6% en août. Avec un recul plus marqué pour les jeunes femmes en mai et juin, et pour les jeunes hommes en juillet.
Le retournement est donc encore fragile, et il ne s’agit ici que des chômeurs de catégorie A. Car si on considère l’ensemble des jeunes inscrits à Pôle emploi en englobant ceux qui ont une activité réduite (catégories B et C), l’éclaircie remarquée en mai et juin ne s’est pas reproduite en juillet. En août toutefois, la situation s’est à nouveau globalement améliorée.
Ainsi, une tendance semble se dessiner, qui devra encore être confirmée au cours des prochains mois pour qu’on puisse réellement parler de progrès dans la lutte contre le chômage des jeunes. Or, il n’est pas interdit de penser que les différents dispositifs déployés pour le gouvernement débouchent sur des résultats plus tangibles d’ici à la fin de l’année.
Sous diverses appellations, ces dispositifs sont anciens en France et ont été utilisés sous la droite comme sous la gauche. Dans les années 90, entre 650.000 et 800.000 jeunes bénéficiaient chaque année des divers dispositifs mis au point dans le cadre de la politique de l’emploi: contrat d’alternance, de qualification, de professionnalisation, contrats initiative emploi et emplois jeunes…
Un pic fut atteint en 2000 avec 820.000 bénéficiaires de ces différentes formules, représentant 30% des emplois occupés par des jeunes. A partir de 2008, leur nombre passa sous les 700.000 mais se maintint au-dessus de 660.000, concernant un jeune sur quatre en emploi.
Cette année, les jeunes peuvent profiter de diverses formules, y compris les écoles de la deuxième chance et les contrats de génération, pour trouver à entrer sur le marché du travail. Et le gouvernement mise toujours sur la montée en puissance des emplois d’avenir, dont 100.000 doivent être créés cette année… Toutefois, à la fin août, selon Michel Sapin, seulement la moitié du chemin avait été parcourue.
Si l’objectif devait être atteint, il permettrait une consolidation de la tendance observée pour sortir les jeunes du chômage. Mais il faudrait, pour y parvenir, que le rythme de création de ces emplois d’avenir au cours des quatre derniers mois de l'année soit deux fois plus rapide qu’il ne le fut jusqu’à présent.
Surtout, pour les jeunes qui auront bénéficié ainsi d’emplois aidés, le plus important consiste ensuite à convertir ces expériences professionnelles en emplois durables, ce qui implique mécaniquement un retour de la croissance afin que les entreprises relancent les processus d’embauche. Il faudra pour cela que le sursaut observé par l’Insee d'une croissance de 0,5% au deuxième trimestre 2013 soit consolidé et amplifié. Car à ce niveau relativement bas, l’économie continue de détruire des emplois.
Comme pour souligner ce phénomène, les effectifs salariés dans les entreprises du secteur marchand (hors agriculture) ont continué de baisser au deuxième trimestre de l’année, de 0,2%, pour la cinquième fois consécutive, indique la Dares.
Pour sortir de cette spirale et recréer des emplois, l’économie française devra retrouver un rythme de croissance supérieur à 1%. Or, pour 2014, le budget de la France est construit sur une prévision de croissance de 0,9%...
Gilles Bridier
Cette chronique a été originellement publiée sur EmploiParlonsNet.fr, et actualisée avec les chiffres de l'emploi du mois d'août.