VIDÉO ENTRETIEN Pierre Mongin, spécialiste du mind mapping vient de publier Mieux s’organiser chez InterEditions. Son projet est d’appliquer le kanban à l’organisation de la vie privée et professionnelle. Son arme : un post-it, qui, bien utilisée, permet de réduire le stress personnel et d’améliorer la collaboration entre les salariés. Tant pis pour les fabricants de logiciels !
L’Usine Nouvelle : Dans votre ouvrage, vous critiquez les outils numériques qui seraient, selon vous, source d’inefficience. D’où vient ce phénomène ?
Pierre Mongin : Je ne suis pas contre les outils numériques évidemment. En revanche, mon expérience me montre que nous arrivons à ce que j’appellerai une asymptote d’efficience. De plus en plus, je suis appelé par des entreprises qui me disent "mes salariés travaillent dans des sites différents. Personne n’a la même version du logiciel, nous avons de plus en plus de difficultés pour convertir les documents."
Un autre exemple concerne les réunions. Observez et notez le temps passé pour régler les problèmes de connexion en WiFi, entre ceux qui ont le code mais ne trouvent pas le réseau, ceux qui n’arrivent pas à se connecter… Ma conviction est que des personnes peuvent communiquer sans consacrer la moitié de la séance au réglage des ordinateurs et à la résolution de problème de connexion.
Ceci étant, les logiciels d’organisation peuvent apporter des solutions dans certains cas. Il n’empêche, il faut revenir à des choses plus simples qui seront aussi plus efficaces. J’ai une formule qui résume mon état d’esprit : "plus c’est simple, mieux ça marche."
Cela montre que les salariés ne savent pas toujours utiliser les outils. Ne faudrait-il pas plutôt les former ?
Je ne pense pas qu’il faille encore former les gens. Cela prend du temps pour apprendre à utiliser un logiciel. Et, une fois ce temps passé, paraît une nouvelle version qu’il faut ré-apprendre à maîtriser. C’est un véritable cercle infernal : ce qui devrait faire gagner du temps en fait perdre finalement.
Il y a trop de communication digitale, pas assez d’analogique. Cela se traduit par une communication de moindre qualité. Comme on a crû que l’outil allait résoudre les problèmes de communication, il y a une frustration quand on voit les résultats. C’est une question d’équilibre à trouver.
De là à utiliser des post-it pour planifier. Quels sont les avantages ?
Utiliser des post-it c’est profiter des bienfaits de la visualisation, démontrés dans plusieurs études. Par exemple, plus de décisions sont prises dans les réunions avec visualisation que dans celle où il n’y en a pas.
Ensuite, c’est une évidence, mais vous avez plus de place. Avec des post-it, vous pouvez utiliser un mur entier, vous n’êtes pas limité par la taille de votre écran. C’est appréciable s’il s’agît de planifier le travail d’une équipe. Je travaille actuellement avec un service d’une trentaine de personnes qui a choisi d’appliquer la méthode que je préconise. Si vous le visitez un jour, vous verrez un mur entier sur lequel est affiché le planning des uns et des autres. De cette façon, chacun sait qui fait quoi, qui en est où…
Pour que cela fonctionne, ne faut-il pas avoir une culture d’entreprise qui s’y prête ?
Je suis d’accord. Pour que les autres puissent visualiser, il faut afficher ce que fait chacun. Si la culture est au secret, à la rétention d’informations, si les personnes ne collaborent pas les unes avec les autres, la visualisation risque de ne pas donner de résultats.
Toutefois, la visualisation peut modifier les comportements dans un sens bénéfique. Si un membre de l’équipe est en retard, les autres peuvent le savoir et venir l’aider, et ce d’autant qu’ils savent que la réciproque sera vraie. Cette méthode à un autre avantage : elle donne de la motivation et du sens au travail. Le travail de chacun devient visible, chacun voit en quoi il contribue à l’avancée globale du projet, à l’entreprise.
Vous proposez de suivre en temps réel l’évolution du travail avec des post-it ?
C’est possible pour le travail d’une équipe, mais aussi pour l’organisation individuelle des personnes. Elle s’inspire du kanban, c’est-à-dire la méthode développée par Toyota. Elle peut être résumée de la façon suivante : toute tâche commencée doit être achevée au plus tôt. Le but est d’éviter de multiplier le nombre de tâches en cours qui finissent par nuire à l’efficacité globale. Cela peut sembler loin de l’organisation personnelle, mais regardez ce qui se passe avec la gestion des courriels, qui arrivent en continu, créant des thromboses comme les voitures sur une bretelle d’accès à l’autoroute. Noter sur un post-it c’est fluidifier le trafic et donc combattre le stress.
Comment l’utilisation de post-it peut-elle réduire le stress ?
Cela a à voir avec un phénomène bien connu, concernant la mémoire à court terme. Quand elle est encombrée par de multiples tâches à accomplir, cela produit du stress. Ecrire sur un post-it est un moyen de ne pas la surcharger et participe à déstresser les personnes.
Votre livre a-t-il une utilité pour ceux qu’on appelle la génération Y ou digital natives ?
L’existence de cette génération Y est en débat. J’ai, pour ma part, observé qu’ils s’approprient très bien ma méthode. Ils ont un smartphone et des post-it. Je ne crois pas à la disparition du papier pour un tout numérique. Les deux vont subsister. Un nouvel équilibre se dessine.
Propos recueillis par Christophe Bys