Emblème de l’économie numérique délocalisée, Apple et ses excellents résultats attirent les attaques : si l’entreprise emploie 43 000 personnes aux États-Unis, ce sont 230 000 employés qui travaillent sur les chaînes d’assemblage des Iphones & Ipad en Chine, et 700 000 à travers le monde.
Autrement dit, Apple pourvoit 10 fois plus de travail à l’étranger qu’aux Etats-Unis.Si pour Apple, la création demeure principalement américaine, c’est à l’étranger que la fabrication a lieu. Et pour cause, elle bénéficie d’une législation extrêmement souple et de coûts moindres. Ce problème est commun à tous les pays développés. Comme aux Etats-Unis, on ne forme plus d’employés aux capacités intermédiaires, celles nécessaires aux usines.
En se décentralisant en Chine, même si la production est meilleur marché, Apple cherche autre chose qu’une réduction des coûts.Aujourd’hui, les atouts majeurs de la production en Chine sont la promptitude, la souplesse et la technique, le tout à moindre prix à cause d’un droit du travail quasi nul. Foxconn, l’assembleur chinois d’Apple renvoie ainsi à une notion d’ultra malléabilité industrielle.
En effet, quand la direction de la société américaine d’informatique a besoin de plus de 8 000 ingénieurs pour encadrer les 200 000 ouvriers chinois qui assemblent leurs produits, 15 jours ont suffit à la Chine pour les trouver, 9 mois auraient été nécessaires aux États-Unis !
Dans les critiques visant Apple se cache un enjeu crucial : est-ce que les États-Unis vont réussir à profiter des progrès technologiques futurs pour générer des emplois sur place ? Lors des dix dernières années, des milliers de postes ont été créés dans le domaine des composants, de l’affichage, des énergies renouvelables. Ces industries ont débuté aux États-Unis mais c’est à l’étranger que la majeure partie des postes s’est créée. Les sociétés américaines ont externalisé pour bénéficier de modalités de production moins rigides.
Si les pays industrialisés possèdent toujours les compétences en terme d’innovations – commerciales et informatiques – on peut logiquement se demander si cela va durer ? Car tous les experts constatent qu’il n’y a pas de création et d’innovation sans fabrication. Quand on délocalise la production, les compétences en génie et savoir-faire s’érodent, particulièrement pour les nouvelles générations de produits. Inévitablement, les concepteurs appréhendent moins bien le process de fabrication.
Ils peuvent imaginer tous les concepts du monde, mais si personne ne peut les exécuter, cela n’a aucun sens. Aux États-Unis, des postes qualifiés disparaissent en même temps que s’externalisent les départements de Recherche et de Développement, notamment en Asie.
Les personnes parties prenantes dans la nouvelle économie et notamment dans l’économie digitale, affichent des résultats prometteurs.Si l’industrie des nouvelles technologies engendre des profits importants, a contrario, elle ne crée pas beaucoup d’emplois. De plus, elle n’arrive pas à amorcer un retour à la croissance : son développement aujourd’hui étant inférieur à la crise que traversent les industries traditionnelles.
Selon le Prix Nobel d’Économie Robert Solow, des avancées technologiques a toujours découlé le chômage et sur un temps donné, notamment pour s’adapter. Pour le moment, l’emploi a toujours redémarré. Malheureusement, cela ne pourrait pas être le cas demain : la robotisation du travail augmente tellement vite que les employés peinent à s’ajuster. L’économie digitale a tendance à transformer le marché vers une innovation sans création d’emploi.
Aujourd’hui, l’emploi s’est maintenu en bas et en haut du marché, soit les emplois les plus mal payés et les postes les plus qualifiés. La crise a entraîné des suppressions de postes « moyens », interchangeables et remplaçables par l’automatisation des tâches. Les progrès techniques devraient offrir à ces employés la possibilité de retrouver du travail en les mettant à profit.Malheureusement, beaucoup d’entre eux ne sont pas assez formés pour en tirer parti et créer de nouveaux métiers.