Reprendre une entreprise familiale s'apprend. Formation spécifique ou réseau sont une piste.
Katya Sotnikova, from The Noun Project
Le métier d'héritier s'apprend jeune. Très jeune ! L'aîné des Holder, David, en sait quelque chose. A 14 ans, son père, Francis, à la tête du groupe Holder (boulangeries Paul), fils de... boulanger, l'a mis au pétrin. "J'ai été apprenti boulanger et je terminais au fournil à 23 heures alors que j'aurais aimé vivre une jeunesse plus insouciante. Avec le recul, je bénis mon père de m'avoir obligé à faire ce stage pendant deux ans, même si j'en ai bavé", avoue David Holder, le président de Ladurée, que sa famille a rachetée en 1993. "Mon père nous obligeait mon frère, ma soeur et moi à travailler un mois par an dès l'âge de 12 ans, confie Charles Darbonne. Comme je suis un peu filou, je tondais des pelouses le week-end pour arriver à faire un mois complet." Les enfants Darbonne devaient aussi passer un mois à l'étranger. "Pour l'ouverture d'esprit, les langues, la culture."
Le parcours pour intégrer la maison familiale passe souvent par le bas de l'échelle. L'enfant du patron effectue des stages dans différents départements avant d'accéder à un poste à responsabilité. Patrick Vandromme, PDG du groupe Maisons France Confort (91 ans d'existence), a souhaité que son fils Loïc commence dans l'entreprise comme vendeur de maisons individuelles. Son propre père l'avait fait débuter de la même façon. "C'est ingrat, il s'agit de sonner aux portes le soir, mais c'est formateur", reconnaît Loïc Vandromme.
Michael Ollandini, lui, a effectué des stages dans toutes les structures du groupe corse. "J'ai ainsi lavé des voitures de location tout un été", se souvient celui qui est directeur marketing et e-commerce. Si j'avais débuté dans un bureau climatisé, mon intégration ne se serait pas aussi bien passée ! Laver les voitures, c'est stressant, je le sais. Quand je discute avec les opérationnels, on se comprend mieux. Je connais leurs contraintes." Rien n'empêche les "fils et filles de" d'être bardés de diplômes. Naturellement, la voie royale, c'est une école de commerce.
Anne Leitzgen, la troisième génération à la tête des cuisines Schmidt, est titulaire d'un master en management stratégique. Avant de prendre la direction en 2000, elle est allée se frotter au monde du travail chez Publicis. Histoire de savoir ce qu'elle valait en tant que "fille de personne". Une expérience réussie, qu'elle a complétée par des formations spécialisées en family business (HEC et International Institut for Management Development de Lausanne). Autre école réputée, l'Insead offre aussi une formation au management des entreprises familiales.
A tout moment, les dirigeants ont besoin d'échanger "d'héritier à héritier" ! Le lieu propice à de telles rencontres est l'association The Family Business Network (FBN). Elisabeth Ducottet, qui en est membre, participe aux ateliers et congrès deux fois par an. "Nous découvrons des analogies intéressantes qui nous permettent de trouver des solutions", se réjouit-elle.
Le FBN est un réseau international (40 pays) où les familles échangent sur leurs bonnes pratiques. "Au congrès de 2011, nous étions plus de 600 entreprises", note Olivier Mellerio. Selon le représentant de la quatorzième génération à la tête du joaillier de la rue de la Paix, très peu de business schools préparent au management spécifique des entreprises familiales. "J'ai été formé à HEC, j'ai fait un MBA à Columbia, jamais on ne m'en a parlé."