ENTRETIEN L’Allemagne, responsable ou pas d’une austérité européenne qui mènerait à la récession ? Depuis quelques jours des voix d’élèvent en France pour infléchir les positions de l’Allemagne sur la question des déficits ou la politique de la BCE. Nous avons posé la question aux candidats à la présidence du Medef pour connaître leurs positions. Au-delà du sujet politique, ils nous confient leurs convictions sur le rôle que pourraient jouer ensemble les patronats français et allemand. L’avis de Patrick Bernasconi, président de la Fédération des travaux publics.
L’Usine Nouvelle - La politique économique allemande est sur la sellette. Dans quel camp vous rangez-vous, ceux qui demandent un assouplissement ou ceux qui soutiennent la chancelière et sa fermeté politique ?
Patrick Bernasconi - Pour commencer, je trouve cette polémique vraiment absurde. Plutôt que de s’en prendre à la politique allemande, occupons-nous de la politique française. On ne peut vraiment pas reprocher à nos partenaires allemands de s’être mis à niveau au prix de réformes courageuses. A nous maintenant d’indiquer clairement le cap dans lequel nous comptons nous engager. L’urgence est de combler notre handicap par rapport à l’Allemagne. Si on veut que l’Allemagne fasse un pas vers nous, commençons par nous engager clairement sur la voie des réformes.
Pourquoi faudrait-il que la France fasse le premier pas ?
Je crains que dans la tête de nos partenaires allemands ne s’installe l’idée que les Français ne sont pas prêts à engager des réformes, qu’ils vont chercher à faire une relance par la consommation. D’une certaine façon, en s’engageant clairement dans la voie de la réduction des déficits et de la rationalisation de notre système social, nous rassurerons notre partenaire, qui pourrait alors agir.
La France n’est pas seule pourtant. L’Italie, l’Espagne, la Grèce mais aussi les Pays Bas contestent l’orientation de la politique européenne. A tout le moins, forte de ses excédents, l’Allemagne pourrait soutenir la demande européenne pendant que les autres pays font des efforts budgétaires ?
Une relance allemande par la consommation ? Je doute qu’elle s’engage dans cette voie. Peut-être pouvons nous négocier pour que simultanément aux efforts que nous faisons l’Allemagne lâche du lest dans sa politique. Mais, encore une fois, notre problème est de reconstituer les marges des entreprises françaises. On ne baisse pas les déficits pour le plaisir. L’objectif c’est de retrouver des marges de manœuvre pour les entreprises pour retrouver notre compétitivité perdue.
Quel rôle peut avoir le patronat franco-allemand pour apaiser les tensions politiques ?
Il est essentiel. Dans ma fédération - la fédération nationale des travaux publics – nous avons un vrai partenariat avec nos homologues allemands, une concertation réelle. Au sein de la fédération européenne, nous sommes les interlocuteurs de la Commission européenne. Et dans ce domaine, le couple franco-allemand joue un rôle moteur.
Nous devons renforcer les liens entre nos deux pays. Nous avons une longue histoire de coopération qu’il ne faut pas abandonner. Nous avons besoin de l’amitié franco-allemande. Notre salut viendra d’une Europe plus intégrée d’un point de vue fiscal et social, avec un euro fort. L’Europe est le marché intérieur de demain des entreprises françaises. C’est pour cela que la guéguerre avec les Allemands est une absurdité totale qui n’a aucun sens. Les Français doivent arrêter de croire qu’ils peuvent donner des leçons à tout le monde. Commençons plutôt par montrer l’exemple !
Propos recueillis par Christophe Bys