- Eric Gaillard / Reuters -
Les chiffres du chômage ont été rendus publics ce jeudi 25 avril en fin d'après-midi: le nombre de demandeurs d'emploi sans activité en métropole atteint en mars un pic historique. Avec 3,224 millions d'inscrits (+36.900 en un mois), le record de 1997 (3,195 millions) est battu. Autre record: si l'on inclut les demandeurs d'emploi qui ont une activité réduite, le nombre d'inscrits à Pôle emploi en métropole atteint 4,74 millions (+34.400 en mars), un autre record. Il s'agit du 23e mois consécutif de hausse.
Pourtant, certains secteurs mettent en avant leurs capacités d’embauche, même dans l’industrie.
Celui des hautes technologies continue d’offrir des opportunités. Même si l’emploi des informaticiens fait toujours l’objet d’une bataille de statistiques entre les acteurs du secteur, et même si les embauches en 2013 seront moins nombreuses qu’en 2012, les entreprises procéderont cette année entre 20.000 et 25.000 recrutements d’après leur syndicat Syntec Numérique. Ce qui devrait permettre au secteur de conserver des effectifs constants. Les menaces de réductions d’effectifs chez IBM France tendent la situation dans le secteur. Toutefois, les postes concernés ne correspondront pas tous à des profils d’informaticiens.
D’autres niches existent. C’est le cas dans les industries mécaniques qui, l’an dernier, sont parvenues à maintenir leur niveau d’activité dans un contexte morose. Tout occupée à développer ses activités de services à la fin des années 1990 et au début des années 2000, la France a fini par oublier qu’elle conservait, dans ce secteur, le sixième rang mondial (derrière la Chine, les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne et l’Italie).
Mais même si la conjoncture est difficile, avec notamment un léger recul de l’activité début 2013, les entreprises de mécaniques emploient toujours 620.000 salariés. Le manque de visibilité ne permettra pas cette année d’augmenter les effectifs. En revanche, compte tenu des départs en retraite et de l’évolution technologique, ces entreprises vont avoir besoin d’embaucher des personnels qualifiés: en tout, de 30.000 à 40.000 personnes par an pendant cinq ans, indique la Fédération des industries mécaniques.
Il ne s'agit pas pour autant de plonger les mains dans le cambouis: dans les métiers de la mécanique, aujourd’hui, on travaille surtout sur les commandes numériques des machine. Ce qui explique que, en une quinzaine d’années, la proportion d’ouvriers non qualifiés des entreprises technologiques et industrielles (ETI) a diminué de moitié: ils représentent aujourd’hui moins de 10% des effectifs alors que les ouvriers hautement qualifiés composent près du quart des personnes.
Les besoins de la mécanique constituent un peu une surprise alors que, compte tenu de la croissance nulle en France attendue cette année, l’Insee anticipe pour l’ensemble de l’économie dans sa note de conjoncture de mars quelque 40.000 suppressions d’emplois par trimestre au début 2013. Dans ce tableau général, l’industrie qui a perdu à elle seule près de 30.000 emplois au cours du seul dernier trimestre 2012 va être encore confrontée à une dégradation de l’emploi.
Mais toutes les branches ne sont pas logées à la même enseigne. Ainsi, si le secteur automobile a détruit près de 12.500 emplois au cours de la seule année 2012, l’aéronautique en a en revanche créé plus de 1.800, estime l’observatoire de l’investissement Trendeo.
Et avec les méga-commandes enregistrées par le chef de file Airbus, les quelque 3.000 entreprises sous-traitantes qui ont du mal à faire face à la montée en puissance de leur plan de charge vont devoir embaucher: entre 12.000 et 13.000 personnes sur toute la France cette année, d’après le groupement des industries aéronautiques (Gifas). Beaucoup plus que le nombre de départs naturels. Le réseau Normandie AeroEspace en sont une illustration: ses 88 entreprises confirment la création de plus de 2.000 emplois nets en Normandie sur les 5 prochaines années, dont 400 en 2013 dans les domaines de l’aéronautique, du spatial, de la défense et de la sécurité.
Il arrive aussi qu’un secteur puisse suppléer aux déficiences d’un autre, comme sur le site PSA d’Aulnay où une entreprise de logistique, ID Logistics, devrait s’installer sur place et créer près de 600 emplois.
Certes, le compte n’est pas bon: on est loin des 3.000 postes qui vont disparaître avec la fermeture de l’usine automobile. Mais Aulnay est une illustration des mutations en cours: alors que l’automobile décline, la logistique prend de plus en plus d’importance entre l’industrie et la distribution. C’est aussi un secteur qui s’est «industrialisé» en intégrant de plus en plus de hautes technologies et dont les 90.000 entreprisesemploient aujourd’hui environ 1,7 million de salariés.
Or, le secteur se développe en France. Au niveau mondial, la France est passée au 12e rang parmi 155 pays, gagnant deux places en un an, indique une étude de la Banque mondiale. Et la progression continue. Par exemple, lorsqu’Amazon crée un nouveau centre à Chalôn-sur-Saône et envisage l’ouverture d’un nouveau site dans le nord, le berceau de la vente à distance, ce sont bien des emplois de logistique –un millier à chaque nouvelle implantation– qui sont créés.
Au niveau de la formation, des filières spécifiques ont été créées qui mènent depuis le contrat de professionnalisation jusqu’au master en passant par les divers échelons de techniciens spécialisés. Et, surtout, qui débouchent sur des emplois, assurent les instituts et universités qui délivrent ces formations. Mieux: s’ils pouvaient en former plus, il y aurait encore de l’embauche pour tout le monde. Le tutorat, notamment, y a fait son apparition. Le problème, dans le secteur, c’est le niveau de rémunération, en général moins élevé au départ que dans l’industrie. Mais l’avantage, c’est qu’il existe dans ces filières de réelles possibilités de promotion professionnelles.
Il existe d’autres débouchés dans les emplois «verts», même si les promesses de 600.000 créations de postes sorties du Grenelle de l’Environnement en 2007 n’ont pu être tenues. Pris au sens large, du traitement de l’eau aux économies d’énergie en passant par la valorisation des déchets et le développement des énergies renouvelables, les éco-activités ont vu leurs effectifs augmenter. Ils portaient en 2010 sur 452.000 personnes, d’après l’Observatoire de l’économie verte. Sans compter les 509.000 autres postes dans la distribution d’eau, la gestion des espaces verts...
Mais depuis, avec la crise, les embauches se sont considérablement tassées dans tout ce qui touche au solaire. En revanche, l’éolien et les activités de méthanisation continuent de créer des postes. Ainsi, grâce notamment aux programmes off-shore, Trendeo note plus de 7.500 nouveaux emplois dans l’éolien pour la seule année 2012, et plus d’un millier dans la méthanisation.
Globalement, «les filières vertes ont créé 24.000 emplois nets depuis 2009, soit plus de la moitié des emplois supprimés dans l’automobile», remarque cet observatoire. Même si la dynamique s’est un peu essoufflée, elle demeure. De sorte que le gouvernement continue de tabler sur 280.000 postes qui verront le jour d’ici à 2020 dans ces éco-activités, soit directement en rapport avec l’écologie, soit dans les fonctions administratives et commerciales des éco-entreprises.
L’association négaWatt qui regroupe des experts de l’énergie et du bâtiment, est sur la même ligne concernant la transition énergétique. Un scénario volontariste pourrait générer 235.000 emplois de plus qu’un scénario tendanciel à horizon 2020 et 439.000 à horizon 2025. A la fois dans la rénovation de bâtiments et la construction neuve, les transports et la production/distribution d’énergie. Le potentiel est énorme. Mais on attend toujours, de la part des pouvoirs publics, le coup de pouce déterminant qui permettre d’enclencher une mécanique vertueuse.
Gilles Bridier
Une première version de cet article est parue sur Emploiparlonsnet