ENTRETIEN Spécialiste des relations du travail, Hubert Landier a supervisé pour l’Institut de l’Entreprise un rapport sur le dialogue social. Il estime qu’une meilleure formation des futurs managers aux relations sociales améliorera les performances des entreprises.
L'Usine Nouvelle - Pensez-vous que l’accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l’emploi puisse changer quelque chose au management des entreprises ?
Hubert Landier - La présence d’un administrateur salarié dans le conseil d’administration ou de surveillance est une piste intéressante. Jusqu’ici, la présence des salariés avait toujours été imposée au patronat. Là on a un accord des partenaires sociaux, salariés et employeurs, sur le sujet. Cela ne va pas changer grand-chose à court terme. Il n’empêche, cela a une signification forte. Le conseil d’administration s’ouvre à d’autres parties prenantes que les actionnaires. L’entreprise n’appartient plus seulement aux apporteurs de fonds, les autres parties prenantes obtiennent un début de reconnaissance. Cela changera la donne dans les entreprises.
L’accord vise à améliorer la flexisécurité. Pensez-vous là encore que cela puisse changer le management des entreprises ?
Il y a eu une discussion, un débat entre les partenaires sociaux. C’est une bonne chose. Ensuite, l’idée d’apporter des garanties aux salariés en échange d’une simplification des procédures est un compromis intéressant, même si l’accord ne résout pas tous les problèmes. Il profitera plus aux salariés en poste qu’à ceux qui sont en dehors du marché du travail, le dualisme du marché du travail demeure.
Ceci étant, ce qui me semble important, c’est qu’à cette occasion, les entreprises, la direction, les managers prennent conscience que le dialogue social peut et doit être un fort levier de performance. On ne dialogue pas parce qu’on est gentil ou parce qu’on y est obligé. On le fait pour l’intérêt de l’entreprise. Le dialogue social doit faire partie des outils du management.
Pourquoi le dialogue social est-il de si mauvaise qualité en France ?
Les raisons sont multiples. Je voudrais insister sur une cause particulièrement. Les élèves des grandes écoles ne savent pas ce qu’est un délégué du personnel car ils ne sont pas du tout formés aux relations sociales. Quand ils arrivent dans une entreprise, leur méconnaissance peut créer des incompréhensions voire des tensions. Je préconise que la formation des grandes écoles intègrent le B.A. BA des relations sociales. Savez vous que dans la plus célèbre d’entre-elles ces questions ne sont même pas au programme ? C’est à peine une option.
Cela suffirait ou d’autres mesures sont-elles nécessaires ?
Il faut aussi former l’encadrement intermédiaire. C’est essentiel. Leur mission ne peut pas se limiter à faire du reporting comme trop de grandes entreprises le croient. Les bonnes relations sociales qu’un manager sait créer dans son service doivent être prises en compte lors des évaluations.
Mais ils craquent déjà sous le poids des missions qu’on leur alloue. Vous voulez ajouter le dialogue social ? Vraiment ?
Pour cela, il faut redonner du temps et du pouvoir aux managers intermédiaires pour qu’ils puissent s’y consacrer, plutôt que de faire des reportings pas toujours utiles. Gérer une entreprise, un service, ce n’est pas être assis dans une cabine d’avion. Il faut sortir enfin du management par les chiffres et réintégrer la dimension humaine.
En outre, il serait vraiment nécessaire que les entreprises cessent de diaboliser les représentants du personnel. Le travail accompli par le délégué du personnel doit être pris en compte dans les parcours professionnels.
Propos recueillis par Christophe Bys
Lire le document de l’institut de l’entreprise piloté par Hubert Landier : Dialogue social, l’âge de raison