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Pour Gilles Babinet, "il faut fermer la Cnil, c’est un ennemi de la Nation"

27/2/13

 

 

Par  - Publié le 
Gilles Babinet 
© D.R.

  [revu le 26/02 à 14h30] Ce n’est pas parce qu’il a été nommé Digital Champion par Fleur Pellerin, que Gilles Babinet, entrepreneur du numérique et premier président du CNNum, a perdu son franc-parler. Dans son rapport "Pour un ‘new deal’ numérique", publié par L’Institut Montaigne, il avance quelques pistes urgentes, comme la mise en place d’un statut fiscal d’entreprise de croissance ou la création d’un appstore pour l’e-administration. 

L'Usine Nouvelle - En tant que Digital Champion, vous représentez la France auprès de la Commission européenne pour les enjeux liés au numérique. Mais on distingue mal une stratégie numérique en France. Et le numérique était totalement absent des débats et du rapport Gallois. Quel discours portez-vous ?

Gilles Babinet - Objectivement, les autres Digital Champions sont surpris qu’un pays comme la France, cinquième puissance mondiale, n’aille pas plus résolument vers le numérique. Pourtant, elle possède des atouts en termes d’infrastructures. Du coup, j’ai parfois l’impression d’être regardé bizarrement. En fait, au niveau de la Commission, le digital, c’est la revanche des petits pays. Ce sont eux - l’Estonie, la Lituanie, la Slovénie - qui ont des programmes digitaux vraiment fournis. Donc je multiplie aussi les échanges avec les Digital Champions finlandais, slovène, suédois.

Mais je suis scandalisé par l'absence de capacité de ce gouvernement comme par celles du précédent, à voir l'opportunité du numérique Ma bataille, c’est l’emploi qualifié et on ne fait rien pour. Si on était courageux on pourrait créer un ou deux millions d’emplois qualifiés en cinq ans. Mais pour cela, il faut arrêter de ménager les susceptibilités. A titre d'exemple, soit profondément réformer soit fermer la Cnil (Commission Nationale Informatique et Liberté, ndlr). Avec sa régulation excessive, c’est un ennemi de la Nation.

Gilles Babinet, digital champion de la France

Gilles Babinet est un multi-entrepreneur dans des domaines aussi divers que le conseil (Absolut), le bâtiment (Escalade Industrie), la musique mobile (Musiwave), le social gaming (mxp4) et la co-création. Il est par ailleurs président exécutif de la société Captain Dash qui fournit une offre de marketing dashboard de nouvelle génération.

Il a été le premier président du Conseil national du numérique entre avril 2011 et avril 2012. Il a été nommé "Digital Champion" par Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Économie numérique en juin 2012. À ce titre, il représente la France auprès de la Commission européenne pour les enjeux liés au numérique.

 

 

Mais ne faudrait-il pas d’abord un vrai débat sur le numérique en France ? Les quelques déclarations de Laurence Parisot ou de Louis Gallois à l’occasion des Assises du Numérique en décembre 2012 en sont-elles les prémices ?

Il ne s’agit pas d’une lutte à mort, mais on assiste quand même dans notre pays à une bataille assez marquée entre plusieurs segments de la société. Il y a d’un côté les "archéo-rétrogrades" qui veulent conserver un État hypercentralisé et dont la CNIL serait le porte-drapeau. De l’autre, une société civile qui veut moderniser le pays. Mais dès que s’ouvre un débat sur le numérique, il y a toujours quelqu’un pour brandir des questions de préservation de la vie privée ou de sauvegarde de l’emploi !

Mais l’emploi est un vrai sujet quand on parle de révolution numérique.

Schumpeter, on le subit ou on l’initie. La modernité, elle nous entoure, elle nous englobe. Il faut être partie prenante de cette révolution. Les pays où les emplois sont les plus qualifiés, sont aussi ceux dans lesquels il y a le plus de robots. La Suisse, par exemple, comporte 40 % d’emplois industriels, une grande productivité numérique et pas de chômage ! Ce sont des statistiques. Il faut bien regarder.

Une de vos missions en tant que Digital Champion est d’encourager l’émergence d’initiatives numériques par et pour la société civile. Avez-vous des pistes concrètes ?

L’idée du rapport Collin & Colin sur l’open NPI, qui consiste à pénaliser financièrement les acteurs qui n’ouvriraient pas leurs données, est excellente. Car cela va pousser à l’explosion des initiatives. Je crois vraiment au levier fiscal pour ouvrir les données. Et plus globalement pour faire émerger une modernité sociale. Mais il faut que la régulation soit un peu visionnaire.

Car il n’y a rien de mieux que la fiscalité pour modeler une société. Si demain, les abattements ne portent plus sur les œuvres d’art, mais sur les investissements dans des sociétés innovantes, vous changez complètement la société. Aujourd’hui, les papys boomers sclérosent la société. L’état d’esprit général de nos aînés est très préoccupant. Ils ne cherchent qu’à préserver les avantages acquis dans les années soixante !

La France est en retard, mal classée, en matière de numérique. Peut-on faire des choix et miser sur quelques domaines spécifiques dans lesquels la France pourrait à nouveau jouer un rôle économique mondial ?

Oui, il faut faire des choix et ce n’est que comme ça que l’on arrivera à créer des filières compétitives. Nous sommes bons en algorithmes, en robotique. À l’État de donner l’impulsion, de pousser par exemple le DMP (Dossier médical personnel, ndlr) pour créer une filière numérique dans la santé et la dépendance. Nous sommes aussi parmi les plus gros exportateurs au monde de logiciels embarqués. Rien que dans un Airbus, cela représente une grande partie de la valeur, qui est à 50 % développée en France.

Annoncer un plan très haut débit, une semaine avant le grand séminaire numérique du gouvernement (organisé le 28 février), n’est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs ?

Quand je suis arrivé au Conseil National du Numérique, il y avait deux grands sujets : Hadopi et le très haut débit. En matière de très haut débit, à la fin, ce sont les élus qui vont ramener le trophée en région. Mais il ne faut pas aboutir à un modèle coréen, où le pays a certes été complètement couvert, mais au détriment de la création d'un ecosystème de start-up. Il est donc très important de pousser aussi les usages.

Soutenez-vous d’autres pistes pour booster le numérique en France ?

Dans le rapport que j’ai rédigé avec Frédéric Créplet pour l’Institut Montaigne ("Pour un new Deal numérique" publié le 26 février, ndlr) il y a, parmi d’autres, une recommandation qui, si on la poussait au bout de sa logique abourirait à interdire, par une loi d’ici à 2016, tout développement d’application en "stand alone "(isolée, propriétaire, ndlr) par les collectivités locales. Il ne faut plus refaire ce qui est déjà fait. Il faut aller vers un "appstore" public.

Je suis aussi résolu à pousser la création d’un statut d’entreprise de croissance, pour flécher les investissements et la fiscalité sur les plus-values pour les entrepreneurs et les salariés, sur le modèle anglais. Déjà 5 000 start-up sont entrées dans le dispositif anglais. C’est à ce prix-là que l’on créera des ETI et de l’emploi. Et la perte de plus-value pour l’État sera marginale par rapport au coût de la détérioration de l’emploi dans le pays.

Finalement, faut-il établir une stratégie numérique globale, ou pousser quelques initiatives à fort effet d’impact suffit-il ?

Il faut de toute façon une intentionnalité de l’État marquée à l’endroit du numérique. Ensuite, des pays comme Israël ou la Suède ont montré qu’il n’était pas forcément nécessaire d’avoir une stratégie numérique en tant que telle et que des initiatives séparées pouvaient amener à en faire de grands pays numériques. En France on pourrait commencer par sensibiliser les entreprises françaises à la potentialité du cloud. Il y a aussi urgence à moderniser et numériser notre outil industriel, comme l’Allemagne est en train de le faire.

Et au niveau européen, une stratégie numérique se profile-t-elle ?

Le vote du budget, et la pression de la France en faveur de la PAC, risquent de tout couper. Pour autant, j’ai essayé avec quelques champions d’influencer le digital agenda pour qu’il soit plus orienté vers l’éducation. Nous avons par exemple proposé un Erasmus numérique. Et Neelie Kroes, Vice-présidente de la commission européenne chargée de la stratégie numérique, l’a promeut également.

Propos recueillis par Aurélie Barbaux

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