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"L'accord inscrit le social dans une perspective de développement durable"

25/1/13

EXPRESS YOURSELF

"L'accord inscrit le social dans une perspective de développement durable"

 Par  (Express Yourself), publié le 

Colette Desbois, du pôle Social de Synergence, et Franck Morel, ancien directeur adjoint du cabinet au ministère du Travail, proposent leur lecture (optimiste) de l'accord national sur l'emploi. Tribune. 

"L'accord inscrit le social dans une perspective de développement durable"

A l'issue d'une très longue journée de négociations, syndicats et patronat ont achevé leurs discussions sur la réforme du marché du travail entamées en octobre.

AFP PHOTO / BERTRAND GUAY

A l'issue de la négociation de l'accord sur le marché du travail, trop de commentaires ont porté sur le fait de savoir qui des syndicats ou du patronat avait gagné ou perdu. Il nous semble plus intéressant de voir que, par delà l'accord, deux basculements, déjà commencés avant, mais fortement amplifiés, pourraient mettre désormais l'entreprise (plus que la branche) et la personne (et non le salarié) au coeur du dialogue social, ce qui pourrait à terme modifier considérablement les dynamiques sociales. Nous y voyons en effet le moyen d'inclure davantage l'entreprise dans un dialogue fécond avec la société qui l'héberge, dans une perspective de Développement durable. C'est sans doute une vision optimiste de l'accord mais l'analyse du texte n'empêche pas une telle lecture même si la traduction de l'accord dans les faits risque d'être longue et complexe.  

Le fait d'attacher des droits aux personnes et non plus aux salariés en emploi n'a pas été assez souligné. La portabilité des droits (compte personnel de formation, couverture santé et prévoyance), la mise en place des droits rechargeables (indemnisation chômage), acteront (enfin) lorsqu'ils seront en place la notion de parcours fragmenté. Ces droits de la personne et non du salarié amènent à passer de la gestion de carrière au sein de l'entreprise à la gestion des transitions. Cette gestion des transitions est dès lors une responsabilité partagée entre l'individu, les entreprises (et pas seulement l'entreprise) et les opérateurs existants sur l'orientation, la formation et l'emploi.  

"Un accès au logement difficile pour les salariés à temps partiel"

Ce qui est aujourd'hui amené par cet accord est un début de prévention des risques sociaux liés à des parcours fragmentés. En étant centré sur l'individu, il permet sa portabilité d'un contexte à un autre ce qui constitue une véritable avancée.  

L'accès au logement est une des dimensions "périphériques "de l'accès aux droits mais qui conditionne la possibilité pour les salariés de construire une insertion professionnelle durable dans l'activité. Aujourd'hui, cet accès est rendu difficile pour les salariés à temps partiel. Les partenaires sociaux incitent dans le cadre de cet accord à construire avec Action Logement une politique permettant de répondre plus efficacement aux besoins des salariés et plus spécifiquement les primo-entrants sur le marché du travail, les salariés sous contrats courts et les salariés en mobilité professionnelle - le secteur de la propreté est relativement avancé sur ce sujet.  

Le fait que l'entreprise devienne un acteur majeur du dialogue social a été davantage souligné. Cette tendance à miser sur l'entreprise n'est pas nouvelle. La loi du 4 mai 2004 a donné plus d'espace à la négociation d'entreprise en permettant aux dispositions d'un accord de niveau supérieur de ne pas s'imposer à celles d'un accord d'entreprise, sauf précision express.  

"Le nombre des accords d'entreprises a augmenté de manière exponentielle"

Mais l'étape de 2008 ont été la plus porteuse de changements. La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale a en effet renforcé la légitimité des syndicats de salariés dans l'entreprise puisque ceux-ci gagnent leur place autour de la table de négociation sur la base d'un pourcentage minimal de suffrages exprimés aux élections dans les entreprises. Les accords conclus ne sont valides que s'ils sont signés par des syndicats ayant recueilli au moins 30% des suffrages à ces mêmes élections et ne font pas l'objet d'opposition de la part de syndicats ayant obtenu au moins 50% des suffrages. L'accord du 11 janvier 2013 franchit une étape supplémentaire, prévue à l'origine par les partenaires sociaux, en posant le principe d'accords majoritaires d'adhésion" avec donc 50% au moins des suffrages pour les signataires dans les domaines sensibles des licenciements collectifs et des accords de compétitivité emploi.  

L'espace de la négociation collective en entreprise s'est accru au fil des ans: le nombre des accords d'entreprises a augmenté de manière exponentielle pour atteindre 35000 par an alors qu'ils n'étaient que 5000 par an au début des années 80.  

Avec les accords de maintien de l'emploi (précédemment envisagés sous le terme d'accords compétitivité-emploi), la négociation en entreprise porte désormais sur le coeur même de la réalité de l'entreprise, la possibilité de faire face ensemble à une difficulté passagère en prenant la responsabilité de jouer sur le temps de travail et sur la rémunération. Ce point a à juste titre été largement commenté, il est fondamental mais il nous semble qu'il ne faut pas le dissocier d'un autre point, indispensable à l'exercice de cette responsabilité: la plus grande transparence sur les chiffres et les enjeux économiques et sociaux sur le moyen terme. Leur mise en débat entre actionnaires, dirigeants et représentants des salariés pourrait modifier considérablement la responsabilité des différents acteurs de l'entreprise et impulser davantage de logique coopérative. 

Obligation de symétrie

Il s'agira de partager la stratégie de l'entreprise et d'anticiper les évolutions à venir au niveau économique mais aussi social. Pour la première fois, les salariés via leurs représentants vont devoir négocier autour de l'activité de l'entreprise et la question de sa pérennité. Ce point pose de fait la question de la maturité des acteurs. L'évolution des attitudes prendra probablement du temps dans la mesure où il s'agit de sortir des logiques de défiance et d'affrontement qui aujourd'hui sont trop souvent en oeuvre en matière de dialogue social.  

L'obligation de symétrie des formes imposée dans le cadre de l'accord de maintien en emploi nous parait particulièrement innovante dans sa philosophie. En effet, si dans le cadre d'une situation économique particulièrement difficile, les partenaires sociaux décident de se mettre autour de la table et font le choix de diminuer la rémunération des salariés pour garantir leur emploi, la rémunération des dirigeants et des actionnaires doit baisser dans les mêmes proportions. On ne peut ignorer l'importance de la symétrie de l'engagement pour traverser des périodes de crises. Pour engager le changement culturel majeur de la confiance et de la responsabilité, cette dimension symbolique compte. 

"Compléter son temps de travail chez un autre employeur"

L'expression "l'emploi coûte que coûte" utilisée par François Hollande lors de ses voeux peut laisser craindre une inclination pour le modèle allemand qui malheureusement associe à un taux de chômage très faible un pourcentage de travailleurs pauvres de 20%. Les partenaires sociaux ont donné des signes importants de leur volonté de lutter contre la précarité en prévoyant la majoration de la cotisation d'assurance chômage des contrats à durée déterminée, même si ont peut s'interroger sur l'efficacité de la mesure. Et, bien que le temps partiel soit le domaine contractuel le plus encadré juridiquement, l'accord prévoit également l'ouverture de négociations de branche pour aborder la répartition de la durée du travail dans la semaine visant à permettre au salarié de compléter son temps de travail chez un autre employeur. Complexe à mettre en oeuvre dans la pratique, la notion de multi-emploi ne peut pas reposer seulement sur l'individu et nécessitera des accords entre entreprises. En effet, le cumul d'emploi nécessite beaucoup de rigueur de gestion de part et d'autre et empêche la souplesse souvent attendu dans la gestion quotidienne du travail.  

Est-ce l'influence de la Responsabilité Sociale de l'Entreprise (RSE) et des approches en termes de Développement durable ? le salarié est pris en compte en tant que personne ayant une vie hors de l'entreprise (logement, multi-emploi...) et l'entreprise est invitée à prendre en compte cette réalité. On sort ainsi de la relation exclusive salarié/employeur. Pour aller au bout de cette logique on devra sans doute à terme compléter cet accord par une véritable reconnaissance du dialogue social territorial, esquissée dans l'article 14 de l'accord et le plus à même d'organiser au plan local les complémentarités entre entreprises pour construire des parcours professionnels évitant aux personnes de porter seules le poids de la nécessaire flexibilité. 

Par Colette Desbois, directrice du pôle Social de Synergence, et Franck Morel, avocat associé cabinet Barthélémy et associés, ancien directeur adjoint du cabinet de plusieurs ministres du Travail. 

 

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