L'Enquête
ajouté le 9 mai 2014 - Réagir - Mots clés : Actualité, L'enquête
Président de la CCI de Nantes Saint-Nazaire et de CCI International, Jean-François Gendron veut une nouvelle réforme des CCI. Estimant l'institution menacée, le Nantais veut réduire drastiquement leur nombre.
Y aurait-il trop de CCI en France ? À cette question, Jean-François Gendron répond clairement par l'affirmative. Le président de la CCI de Nantes Saint-Nazaire et de CCI International présente aujourd'hui au Journal des entreprises son projet de réforme des chambres de commerce et d'industrie françaises. Celui-ci prévoit de réduire de façon drastique le nombre d'établissements consulaires. Ces établissements publics chargés de représenter les intérêts des entreprises, la France en dénombre 152 à ce jour : 22 chambres régionales (les CCIR), 123 chambres territoriales (les CCIT), auxquelles s'ajoutent les six CCI parisiennes et CCI France, entité qui fédère le réseau national.
60 CCIT disparaissent
Jean-François Gendron veut sacrément tailler dans ce mille-feuille consulaire. Le Nantais a écrit deux scénarios. Le plus radical prévoit de ne garder que 9 CCIR et 64 CCIT, le plus modéré prévoit la conservation de quatre CCIR et de deux CCIT supplémentaires. Dans les deux cas, les CCIR de Bretagne et des Pays de la Loire ne formeraient qu'une seule et même région consulaire. Quant aux CCIT, c'est l'hécatombe. Jean-François Gendron prévoit en effet d'en supprimer une soixantaine, c'est-à-dire près de la moitié. « Dans certaines régions, il y a quasiment une CCI par port. Or, il faut s'adapter à l'économie d'aujourd'hui et les bassins économiques ont évolué », explique le dirigeant nantais. En s'appuyant sur les données de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar), il a dessiné une nouvelle carte de la France consulaire. Celle-ci se base sur les métropoles et leurs « aires urbaines ». Le projet de réforme prévoit une CCIT au maximum par département et, parfois, des CCIT regroupant les entreprises de plusieurs départements. Car pour Jean-François Gendron, pour peser une CCIT doit présenter une certaine masse critique.
Regroupements dans l'Ouest
Concrètement, elle ne doit pas couvrir moins de 15.000 ressortissants. Aujourd'hui, 42 départements comptent moins de 15.000 entreprises et la CCI de Lozère n'en abrite... que 3.400. Dans l'Ouest, le projet du président de CCI International aboutit à la fusion des trois CCI finistériennes, à celle des deux structures d'Ille-et-Vilaine, ainsi qu'au rattachement de l'entité mayennaise à l'Ille-et-Vilaine ou à la Sarthe. « Je ne suis pas à cheval sur le regroupement de tel département avec tel autre. Tout ça se discute, ce qui est important c'est l'idée... », indique le Nantais. Et derrière l'idée, se cachent plusieurs motivations. Au-delà de sa volonté de mieux coller aux réalités économiques, Jean-François Gendron veut que les entreprises « montrent l'exemple » par rapport aux pouvoirs publics. Surtout dans une période où il sent les chambres de commerce et d'industrie menacées par le politique. Sur le plan budgétaire, les CCI françaises se serrent la ceinture, avec la baisse des dotations de l'État à leur égard. Cette année, elles ont dû composer avec 270 millions d'euros en moins. Dans les différentes CCI des Pays de la Loire, ce sont sept millions d'euros qui n'entreront pas dans les caisses. « Et cette tendance n'est pas finie », assure Jean-François Gendron, pour qui les regroupements de CCI doivent permettre de « mutualiser des fonctions supports et de faire des économies ».
« On risque de crever »
Au-delà de cette problématique financière, le Nantais y voit tout bonnement une question de survie pour les CCI. « Si on ne bouge pas, on risque de crever un jour », juge-t-il. Les CCI seraient aussi bien menacées par l'esprit jacobin de certains hauts fonctionnaires que par la concurrence de certaines agences des collectivités locales (lire ci-dessous). D'ailleurs, il y a quelques semaines, les CCI craignaient d'être mises sous la tutelle des conseils régionaux. Le projet est pour le moment enterré. Il faut dire que même certains élus politiques n'en veulent pas : « On est hostile à cette éventuelle tutelle. Les CCI sont des partenaires. Pour cela, il faut une forme d'égalité qui passe par l'autonomie des chambres », indique Christophe Clergeau, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire.
« Rien ne bouge ! »
Que les chambres consulaires soient ou non menacées, Jean-François Gendron sait qu'il met clairement les pieds dans le plat avec sa nouvelle carte de France des CCI. Car on ne touche pas impunément aux chambres de commerce et d'industrie françaises. Il y a cinq ans, pressées par le gouvernement, les chambres consulaires s'étaient lancées dans un processus d'auto-réforme, qui avait fini par passer aux forceps. À l'époque, entre débats houleux et bouderies, une soixantaine de CCI avaient tout fait pour tenter de faire capoter la montée en puissance de l'échelon régional des CCI. Jean-François Gendron sait que son combat n'est pas gagné d'avance. Il l'a d'ailleurs présenté à certains de ses pairs, à CCI France ainsi qu'à Jean-Marc Ayrault alors qu'il était premier ministre. Résultat ? « Rien ne bouge ! Je suis un peu le seul à défendre cela », confie le Nantais. D'ailleurs, contacté par la rédaction du Journal des entreprises, CCI France n'était pas très loquace et plutôt mal à l'aise sur le sujet. « Ça va être compliqué ce projet de réforme. Beaucoup de CCI locales tiennent à leur indépendance au nom de la proximité avec les entreprises », note un observateur. Mais toutes les portes ne se ferment pas non plus. Président de la CCI du Maine-et-Loire, Éric Groud « aime la réflexion » (lire ci-contre). Il faudra à Jean-François Gendron encore beaucoup d'autres soutiens pour espérer mener à bien son projet de réforme.
« Attendons d'y voir plus clair » Alain Daher, président de la CCIR Bretagne
« L'annonce par le premier ministre de la réduction de moitié du nombre des régions à l'horizon 2017 nous incite à engager la réflexion sur l'organisation des chambres consulaires. Le débat n'est pas encore engagé en Bretagne. Il le sera au cours de la période estivale. Mais il faut bien comprendre que les chambres consulaires ne sont pas un îlot autonome. Nous sommes obligés de tenir compte du terrain de jeu autour de nous et, pour l'instant, différents scénarios sont envisageables en ce qui concerne le futur découpage des régions Bretagne et Pays de la Loire. Nous attendons donc d'y voir plus clair sur le schéma régional pour adapter notre réflexion sur l'organisation des chambres consulaires. En revanche, ce qui a du sens, c'est de commencer à réfléchir à une mutualisation des moyens pour réaliser des économies. La réduction de la dépense publique nous y contraints.»
« Se regrouper avec la Bretagne a du sens » Éric Groud, président de la CCI du Maine-et-Loire : « Jean-François Gendron a raison de nous titiller. J'aime bien sa réflexion. N'attendons pas que d'autres décident à notre place et imposent les choses. Échangeons ! S'il y a un redécoupage régional, se regrouper avec la Bretagne peut avoir du sens. Nous travaillons déjà ensemble, cela pourrait créer une belle dynamique, notamment autour des industries agroalimentaires, de l'éolien ou de l'économie maritime. Je n'exclus pas non plus les collaborations avec la région Centre, car ce qu'il faut voir c'est que les chambres ne sont pas liées au découpage régional. Certains territoires sont plus pauvres que d'autres et dans ce cas, les chambres auraient intérêt à se concentrer, c'est imaginable. Nous n'avons pas cet enjeu dans les Pays de la Loire avec une chambre régionale puissante et efficace. Pour moi, le regroupement n'amène pas d'économie, le but c'est d'être plus efficace et de travailler main dans la main. »
« Certains rêvent de nous supprimer »
Il y a quelques semaines, on parlait encore de mettre sous tutelle les CCI, projet avorté depuis. Sentez-vous l'institution consulaire en danger ?
Si on ne bouge pas, on risque de crever un jour. Dans certains ministères, des hauts fonctionnaires rêvent de nous supprimer. Il circule actuellement au sein des services de l'État une étude à charge contre les CCI. Avec les collectivités locales, les choses se passent généralement très bien. Mais il ne faut pas non plus que certaines collectivités dupliquent des choses que les CCI font très bien et viennent dire après : les CCI, cela ne sert à rien, elles font les mêmes choses que nous. À chaque fois que je vois un ministre, je lui parle du cas Erai, une agence du conseil régional de Rhône-Alpes, qui fait concurrence à ce que font les CCI en termes d'accompagnement des entreprises à l'international. C'est un beau gâchis !
Votre projet de réforme tombe à point nommé. Le premier ministre vient d'annoncer sa volonté de réformer les collectivités territoriales...
Manuel Valls m'a un peu volé la vedette... Ce projet de réforme, je le défends en effet bien avant sa déclaration. La première étude, je l'ai réalisée en 2009, à l'occasion des dernières élections consulaires. Je l'ai peaufinée et la dernière étude que j'ai réalisée date d'il y a deux mois. Ce qui m'énerve un peu dans cette histoire, c'est l'accueil favorable qui a été fait subitement à l'annonce du premier ministre pour réduire le millefeuille territorial. Alors que ces derniers mois et ces dernières années, je me suis senti un peu seul...