Le dernier mot à la mode est "contrepartie". Les esprits chagrins nous assènent qu'hélas "nous n'avons pas de syndicat à l'allemande" et regrettent déjà des "crispations", qui viendrait enrayer le "pacte de responsabilité". On a d'ailleurs vu la conception très personnelle que le Président du MEDEF se faisait des "contreparties". Nous pourrions répondre qu'hélas nous n'avons pas de patronat à l'allemande. Au-delà de la boutade, il y a sans doute un malentendu sur ce que signifie la "politique de l'offre", sur les opportunités qu'elle peut offrir. Il y a bien des façons de s'intéresser à "l'offre", bien des façons de penser ce qu'une politique qui agit sur le système productif peut signifier. Il est possible d'envisager une politique de l'offre qui soit aussi une politique de gauche, une politique progressiste, une politique favorable aux salariés. En revanche, sans doute peut-on douter que le chemin de la reconquête productive passe par un pur jeu de contreparties. La reconquête productive passe plus par une alliance nouvelle des productifs que par un simple jeu de donnant-donnant. C'est une véritable politique de reconquête industrielle qu'il faut remettre en place.
Agir sur le processus de production, sur le fonctionnement de l'économie, c'est bien le moins pour un socialiste. Car le socialisme ne consiste pas exclusivement en la redistribution. Le socialisme s'intéresse, depuis toujours, depuis Marx, d'abord à la production, à la quantité de la production et à sa qualité. Ainsi faut-il resituer cette politique de l'offre dans le contexte plus vaste qui est le notre. La création d'un nouveau modèle de développement et de croissance autre que le modèle tayloriste des années 1960, qui est définitivement derrière nous, doit prendre en compte la dimension globalisée de l'économie (et des nécessité de faire valoir des règles justes et protectrices) et est une autre condition de la réussite d'une nouvelle alliance des productifs, qui doit s'imposer et affronter la rente et la financiarisation.
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La question qui nous est posée est celle d'un nouveau compromis entre le capital et le travail, compromis qui doit être bâti dans le contexte nouveau de cette mutation. C'est dans ce cadre que l'on doit définir en quoi doivent consister les avancées en faveur des salariés et les marges de manœuvres nouvelles nécessaires aux entreprises françaises. Les entreprises ont besoin d'investir pour innover, nul ne saurait le contester. Cela ne s'oppose pas, bien au contraire, à une action décidée de l'Etat dans ce domaine. Il convient en revanche, pour gagner cette nouvelle étape, d'associer les salariés, d'en faire des acteurs de la mutation de notre modèle productif. Leurs compétences, leurs savoir-faire sont des atouts pour la reconquête productive. Il faut donc les associer à la décision et les faire entrer, non pas symboliquement mais en représentation significative, dans les conseils d'administration des entreprises. En outre, supprimer le seuil de 50 salariés pour la création d'un comité d'entreprise serait un atout et le gage de compromis passés tout au long du développement des entreprises. Les salariés sont une solution, pas un problème.
La politique à mener passe par un retour de l'Etat. Penser la mutation du système de production à partir de la nécessité d'une conversion énergétique et écologique de notre appareil productif est la clé de tout. Cela nécessite de penser une véritable politique industrielle pour la France. Casser le productivisme en relevant la production, voilà l'enjeu. Cela doit être le fil rouge d'une politique industrielle renouvelée qui ne peut consister ni en la ratification des initiatives purement privées, ni en une forme d'hôpital de campagne de la désindustrialisation. Il n'y a de bonne politique que celle qui se hisse à la hauteur des enjeux de son époque. Identifier les nœuds technologiques, engager une action en faveur d'un plan de relance européen, voilà les premières missions d'un Etat stratège. Nous sommes dans une politique générale et non pas dans une foire commerciale ou une négociation boutiquière. L'Etat stratège reconnait les contraintes et les modalités de la guerre économique en cours. Il vise à créer les conditions d'une compétitivité retrouvée pour l'investissement productif et il fixe les règles pour que s'organise une redistribution juste des gains de productivité à travers une conférence salariale. Cela implique une discussion franche avec le patronat et obtenir l'assurance que l'on ne créera pas des emplois précarisés ou sous-payés mais que l'on confortera les salariés et le travail. Dans ce domaine, l'Etat est un atout pas un poids mort.
La politique des contreparties, c'est un peu comme la politique des pourboires à une autre époque, cela peut passer pour une habile tactique mais cela peut se terminer mal. Aussi, la "politique de l'offre" appelle-t-elle à un retour de l'Etat, de la politique, en France et en Europe, à un ressaisissement du politique face à l'économique.
Billet également publié sur www.juliendray.fr
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Dans cette Europe intégrée ? Votre discours est "oxymoroniquement" drôle !
Et oui, il ne suffit pas de se dire de gauche, il faut l'être.
Franchement, il serait temps que ceux qui vivent aux crochets des contribuables laissent la place à des professionnels formés pr la réalité de la vie, par exemple dans l'entreprise. Monsieur Dray et ses petits camarades, donneurs de leçons à la société civile qui trime pour essayer de survivre quand l'Etat prélève 57% de la richesse nationale, feraient mieux de se mettre au travail et d'arrêter ces discours venteux. Laissez les entreprises travailler, ce sont elles qui recrutent, pas vos discours. Vos contreparties, accrochez les au mur, elles n'ont aucun sens. Cette pratique arrogante qui consiste à étrangler les entreprises financièrement, puis à leur tendre un susucre en leur réclamant des contreparties, est insupportable de stupidité. Elle contribue à décourager un peu plus des entrepreneurs, dont je suis, et leur faire penser que décidément, entreprendre dans ce pays est un acte de courage insensé, et donc désespéré.
et se recentrer sur son devoir, par exemple une justice qui marche, une éducation nationale qui transmet le savoir, un duo police justice efficace...
un régime de retraite à l'équilibre, des dépenses de santé acceptables, l'équilibre du régime du chômage ? = l'état n'y arrive pas.. à continuer ainsi, tout va se privatiser, par les fonds de pension et la fin de la sécu au profit d'assurances privées. -> car l'état devra donc se retirer de ces missions sur lesquelles il est incompétent.
57% de notre richesse est brassée par l'état, dans un vaste cycle complexe de prélèvement et de redistribution inadéquate.
Mr dray croit il sincèrement que les français de 2014 peuvent encore gober ce genre de billet..??? état stratège et progressisme, bla bla bla....
en fait il y a deux solutions : soit l'état garde ses missions actuelles pour les exécuter correctement, soit il se dessaisit de celles cis..