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Chômage : François Hollande a perdu la guerre des chiffres. Gagnera-t-il celle des mots

8/2/14


Actualité politique, internationale, société par le Nouvel Observateur, infos du jour


 
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Chômage : François Hollande a perdu la guerre des chiffres. Gagnera-t-il celle des mots ?

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Temps de lecture Temps de lecture : 4 minutes

"Nous n'avons pas réussi en 2013 à faire diminuer le chômage". Par ces mots prononcés le 28 janvier en Turquie, François Hollande a avoué son échec. Les chiffres sont péremptoires. Le président peut-il contrebalancer l'effet de ce froid constat par les mots ? Réflexions d'Estelle Jouili, linguiste et fondatrice du cercle de réflexion "Le Club Acoustique".

Édité et parrainé par Aude Baron

François Hollande en Turquie, le 27/01/14. Ici en conférence de presse à Ankara (AP/SIPA)

 

Cette chronique aurait aussi pu s'intituler : François Hollande, le nouveau Humpty-Dumpty de Lewis Caroll ? "Lorsque j’utilise un mot", déclara Humpty Dumpty avec gravité, "Il signifie exactement ce que j’ai décidé qu’il signifierait – ni plus ni moins". […] Mais le problème", dit Alice, "c’est de  savoir si tu peux faire en sorte que les mots signifient des choses différentes". "Le problème", dit Humpty Dumpty, "est de savoir qui commande, c’est tout !"

 

Aujourd’hui, en cette période non pas de "crise" mais d’indécidabilité, s’interroger sur l’effectivité de la parole politique de François Hollande en matière de chômage, est comme une invitation à relire le petit ouvrage de Lewis caroll, "De l’autre côté du Miroir" (1871), où s’affrontent des considérations sémantiques sur l’usage des mots, entre Alice, celle du "Pays des merveilles" et Hympty-Dumpty, célèbre personnage de forme ovoïdale, qui s’autoproclame en toute impunité "prescripteur du sens des mots".

 

Qui est le maître ?

 

Pour Alice, la vraie question est de savoir si Hympty Dumpty a suffisamment de pouvoir pour décider seul de changer le sens des mots, et Humpty Dumpty de penser que l'important est d'en être le maître.

 

Le principe selon lequel tout ce que l’on peut vouloir signifier peut être dit – ce que J.-R. Searle appelle le "principe d’exprimabilité"[1] – n’implique aucunement qu’il est toujours possible d’en trouver la bonne formulation qui puisse être comprise par tous.

 

Prenant peu à peu conscience du caractère relatif de son pouvoir, Humpty Dumpty se fait battre comme un débutant sur le terrain de la logique, par Alice qui lui donne un cours de logique :

 

"Si l'on décide de s'occuper d'une année entière et de la découper en 364+1, il est plus rapide de considérer que 364 est obtenu en retranchant 1 à 365 plutôt que de la considérer comme addition des 364 jours qui la composent."

 

Un pouvoir donc, qui ne s'appliquerait uniquement dans le cas où le système dont il est le maître est "impénétrable" c'est à dire que personne ne doit, ni ne peut y pénétrer.

 

Nouvelle forme d’expertise contradictoire : la volonté politique

 

François Hollande, contre-toute attente, a considéré dès le printemps 2013 que l’important est de savoir qui commande, et il s’est ainsi naturellement autoproclamé contre-expert sur le seul fondement de sa "volonté" et de son "engagement" politiques, face aux déclarations des experts qui prévoyaient unanimement la hausse du chômage.

 

Une nouvelle forme d’expertise contradictoire à valeur probante : la volonté politique – "La volonté politique, cela consiste à ne pas valider les prévisions".

 

C'est le monde à l'envers ! Longtemps valorisée et légitimée, l’expertise ou l’évaluation comme dispositif d’aide à la décision politique, désigne aujourd’hui pour certains un ensemble de pratiques menaçantes. Si l’évaluation met en place les procédures propres à instaurer l’absolu gouvernement des choses, comment faire sans elle ?

 

Alice se trompe aussi en disant qu'Humpty Dumpty porte une belle ceinture, elle se reprend en la qualifiant de cravate, Humpty Dumpty s'offusque devant l’incapacité d’Alice de faire la différence entre une ceinture et une cravate. "Il existe des gens qui ne savent pas faire la différence entre une cravate et une ceinture !" Les experts se trompent-ils ou disent-ils finalement la même chose ?

 

Prévoir la hausse du chômage ne serait rien de moins que l’affirmation et l’expression de sa stabilité ?

 

Le langage propre du président

 

Ainsi, François Hollande se serait-il octroyé l’exclusivité de l’exercice d’un droit exorbitant : celui d’avoir un langage à soi, un langage qui soit logiquement incompréhensible pour tout autre que lui.

 

La fonction perlocutoire du langage du président Hollande, pour reprendre la théorie des actes de langage de John Austin (Quand dire, c'est faire[2]) ne peut être assurée et assumée que si certaines circonstances, ou normes conventionnelles sont réunies (je vous affirme que/je vous annonce que le chômage connaîtra une baisse fin 2013), assorties d’effets perlocutoires qui produisent une forme de crédulité passive de nature psychologique auprès des citoyens : "Je vous crois Monsieur le Président, puisque vous l’avez dit, donc cela sera !"

 

L'effet perlocutoire est ainsi produit par une parole donnée, devenue une sorte de rengaine aux couleurs de la Javanaise : "J'avoue J'en ai Bavé Pas vous"

 

Ainsi donc, notre Humpty Dumpty, devra-t-il prendre conscience qu'il est sur le terrain de la croyance. N’aurait-on pas pris assez garde que le discours politique actuel fonctionne comme l’attitude magique ? Si je fais une déclaration, j’évoque une puissance au sens où je suscite sa présence et où l’invocation entraîne l’évocation. Ce si-alors – au fondement de toute magie – relève d’une forme d’inférence non pas prospective mais essentiellement rétrospective.

 

La magie est tombée

 

Alice a gagné. Humpty Dumpty, d’un ton grave, explique qu'il corrompt les mots pour qu'ils lui obéissent, et s'ils viennent le samedi soir chercher leur salaire, s'est sans aucun doute pour aller faire la fête, pour qu'ils se libèrent, car son autorité est l’expression d’un véritable enfermement.

 

Humpty Dumpty a perdu la bataille de la logique, et celle du pouvoir évocateur du sens des mots.

 

Les experts ont gagné, le président Hollande est débordé. La magie est tombée. Par le seul pouvoir sémantique qu'il s'est lui-même octroyé. S’il a perdu la bataille du sens des chiffres du chômage, la question de la gestion de l’impondérable économique lui pend au bout du nez.

 

Si la question de l’égalité des armes en matière de preuve se trouve ainsi posée d’emblée, la relation entre le prévisible et l’imprévisible ne devra sans doute pas être sacrifiée sur l’autel de l’aléatoire et l’impondérable.

 

 

[1] Searle J.-R., 1972. Les actes de langage, trs. Hélène Pauchard, Hermann, 1972.

[2] Austin, J., 1970. "Quand dire, c'est faire" (1962), trad. G. Lanne, Seuil.

 

 

 
VOS RÉACTIONS (4)
Jocelyne BACQUET
er style="margin: 0px 0px 1em; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box; font-size: 1em; color: rgb(77, 77, 77);">Jocelyne BACQUET a posté le 8 février 2014 à 12h37er>

Tout d'abord, la "parabole" d'entrée, dans la comparaison avec Humpty Dumpty me semble une excellente entrée en matière, et peut-être même, dit elle tout...
Et puis, je trouve important qu'Estelle Jouili ouvre la discussion de la valeur des mots, en particulier dans le domaine politique, ici par le biais d'un jeu linguistique. En effet, on entend souvent tout un chacun se plaindre du fait que certaines personnes sont "des beaux parleurs", qui noient l'auditeur dans des mots pas toujours compréhensibles. Donc ???? Personne ne va plus loin sur le sujet. Là au moins, c'est chose faite.
À mon sens, je ne pense pas qu'il faille voir là un "commentaire politique", juste un travail sur le poids des mots, en prenant Mr Hollande comme "illustration", ou tout au moins ses mots en tant que "corpus" / base de travail. Ce qui me semble important, puisque Mr Hollande se situe dans notre présent, seule période sur laquelle nous pouvons avoir une influence, afin d'infléchir notre futur. Travailler sur les paroles d'un homme disparu depuis longtemps, aurait été, certes un exercice intéressant, mais ne présentant aucun intérêt quant à la possibilité de changer ce que nous vivons aujourd'hui.
Parler du présent ne signifie pas nécessairement "faire de la politique" ( et encore, que veulent dire ces mots ??? ), tout comme parler du passé ne signifie pas nécessairement "faire de l'histoire".

tite souris
er style="margin: 0px 0px 1em; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box; font-size: 1em; color: rgb(77, 77, 77);">tite souris a posté le 8 février 2014 à 11h48er>

Il n'a pas fini de dégringoler, Hollande.
La gauche attendait de lui bien autre chose qu'une rigueur permettant de contenter les actionnaires et financiers de tout poil ! sans parler de problèmes de société qu'il aurait mieux valu aborder en fin de mandat...
"La finance est mon ennemie" ................ 
"Le chômage va régresser"................

Voilà où mène l'ENA, au conformisme libéral sans imagination
Désespérant !

Quant à Sarko, qui rêve de revenir nous inonder comme la mer, les Français n'en veulent plus, définitivement. Qu'il prépare donc ses plaidoiries pour les nombreuses casseroles accumulées depuis des années...

Pierre Amy
er style="margin: 0px 0px 1em; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box; font-size: 1em; color: rgb(77, 77, 77);">Pierre Amy a posté le 8 février 2014 à 11h45er>

Il y a une erreur dans votre titre : prière de remplacer "mots" par "maux"

Michel Romarin
er style="margin: 0px 0px 1em; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box; font-size: 1em; color: rgb(77, 77, 77);">Michel Romarin a posté le 8 février 2014 à 11h25er>

En résumé, par le langage, hollande prend les français pour des imbéciles
c'est simplement une tentative de manipulation des esprits
Dangereux

alex benno
er style="margin: 0px 0px 1em; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box; font-size: 1em; color: rgb(77, 77, 77);">alex benno a posté le 8 février 2014 à 11h03er>

Comment il va tenir, j'ai presque mal pour lui !

Nicole Bernu-Charmensat
er style="margin: 0px 0px 1em; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box; font-size: 1em; color: rgb(77, 77, 77);">Nicole Bernu-Charmensat a posté le 8 février 2014 à 11h21er>

Pas de panique ! ....j'ai beaucoup plus mal pour Sarkozy ! TOUT VA BIEN: "les affaires" reprennent ...les déficits français sont en baisse ... et le Medef n'a pas le choix pour adhérer au pacte ! Malin le François .

C. Delyon
er style="margin: 0px 0px 1em; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box; font-size: 1em; color: rgb(77, 77, 77);">C. Delyon a posté le 8 février 2014 à 11h47er>

@Nicole Bernu-Charmensat
" et le Medef n'a pas le choix pour adhérer au pacte !"

Foutage de gueule!
C'est le CNPF* qui écrit les "accords".
Comme pour l'ANI qui instaurait la PRECARITE du travail.
Parisot a exigé et obtenu ce que Sarkozy n'avait pas osé lui accorder.
http://www.marianne.net/Medef-L-amour-est-precaire-Le-travail-doit-l-etre-aussi_a183323.html
Sapin est du bois dont ont fabrique le cercueil de notre code du travail.
Je reproche à Hollande sa liaison avec Pierre.

edouard soutoul
er style="margin: 0px 0px 1em; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box; font-size: 1em; color: rgb(77, 77, 77);">edouard soutoul a posté le 8 février 2014 à 12h07er>

Il est vrai que l'on entend peu Pierre ces temps - ci. A trop promettre, on s'embourbe ?

Armand Abeltassia
er style="margin: 0px 0px 1em; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box; font-size: 1em; color: rgb(77, 77, 77);">Armand Abeltassia a posté le 8 février 2014 à 12h14er>

Mais oui ! écrasons le patronat, supprimons le capital et les actionnaires, établissons la société coopérative productiviste pour tous, dépensons sans compter l'argent que nous n'avons pas, relançons fortement la demande et favorisons ainsi les importations pour augmenter le déficit commercial puis réveillons nous plus tard avec une sacrée gueule de bois mais avec la satisfaction d'avoir appliqué un bon catéchisme dit de gauche ....faudra bien en sortir un jour de cette sémantique dogmatique qui ne conduit nulle part !!!!

C. Delyon
er style="margin: 0px 0px 1em; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box; font-size: 1em; color: rgb(77, 77, 77);">C. Delyon a posté le 8 février 2014 à 12h27er>

@Armand Abeltassia 
Personne, de bonne foi, ne peut contester que Hollande est plus sensible aux revendications des tauliers qu'à celles des salariés.
Les perroquets des intégristes libéraux manquent d'imagination.
Ils trouvent normal (!) que les patrons, jamais rassasiés, touchent de millions.
Mais hurlent si les salariés réclament une revalorisation du Smic.

Jacqueline Wilmes
er style="margin: 0px 0px 1em; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; box-sizing: border-box; font-size: 1em; color: rgb(77, 77, 77);">Jacqueline Wilmes a posté le 8 février 2014 à 10h31er>

@Estelle Jouili : vous êtes, en effet, une remarquable linguiste. Mais votre petit exercice de style est juste un commentaire politique ... incompréhensible ! Il semble que vous soyiez critique... mais je n'en suis pas sure, malgré deux lectures !

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