- A Geste, en 2013. REUTERS/Stéphane Mahé. -
Plus de CDD, plus de diplômés, plus de résidences principales... Mais aussi plus de kinés et d'Internet. L'Insee publie, ce mercredi 29 janvier, Trente ans de vie économique et sociale, un ouvrage qui retrace les évolutions de la société française du début des années 1980 à nos jours. Nous avons sélectionné quelques chiffres parmi les grands volets de l'étude: situation économique, démocratisation de la scolarisation et de l'enseignement supérieur, évolution du marché du travail, modes et conditions de vie.
No comment.
En 1975, il a fallu six trimestres pour que le PIB retrouve son niveau maximal d'avant la récession. En 1993, ce niveau maximal d'avant crise est atteint neuf trimestres après. Vingt trimestres après la récession de 2009, soit cinq ans, ce niveau n'est toujours pas atteint.
En trente ans, la part des dividendes versés aux actionnaires dans l'excédent brut d'exploitation des entreprises (leur bénéfice) a plus que doublé, passant de moins de 15% à près de 30%. Une hausse régulière malgré quelques à-coups lors des crises financières (début des années 2000, 2008-2009).
C’est le «phénomène majeur des 15 dernières années» selon l’Insee. De pratiquement nul en 1999, le chiffre d’affaires réalisé sur Internet par des entreprises situées en France a atteint les dix milliards d’euros en à peine dix ans (2010). Une progression spectaculaire qui se traduit dans les usages: «En 2010, près d’un Français sur deux a déjà fait un achat en ligne», précise encore l’Insee.
A noter, en revanche, que les conséquences du déploiement du réseau, et des usages associés, n’apparaissent nulle part ailleurs dans le rapport de l’Insee, si ce n’est dans le volet culture. L’institut y note qu’Internet a pris une place plus importante dans les dépenses consacrées aux biens et services culturels.
Le salariat reste largement majoritaire, s'établissant à 90% de l'emploi total en 2011. Mais la part des CDI dans l'emploi salarié a baissé, passant de 94% à 87% de 1982 à 2012. La part des CDD, occupés particulièrement par les femmes et les jeunes, double dans le même temps (5 à 10%), alors que l'intérim progresse et que le travail à temps partiel double lui aussi sur la même période.
Le taux d’activité des femmes est passé de 57% en 1980 à 67% en 2012. Il a augmenté au point d'ajouter 3,9 millions d'actives supplémentaires sur le marché du travail. Les femmes contribuent désormais pour 84% à la hausse globale de la population active.
Depuis les années 80, le taux de chômage de la France a varié selon les périodes dans une fourchette de 7 à 12%. Celui des jeunes, lui, a bien plus bougé, entre 15 et 25% sur les mêmes années.
Certaines professions de santé voient leurs effectifs exploser sur vingt ans. C'est le cas des sages-femmes, des médecins spécialistes, des infirmiers ou encore des masseurs et des kinésithérapeutes. Trois professions dont les effectifs ont doublé...
…«contre moins de deux sur dix il y a 30 ans», précise l’Insee.
Le niveau général d’éducation a augmenté, 77% d’une génération obtenant en 2012 un baccalauréat.
Le bac général est plus souvent obtenu par les enfants issus de milieux sociaux élevés et, au sein de la filière générale, «les enfants de cadres ou d’enseignants sont largement surreprésentés». 33% d’enfants d’ouvriers et d’employés sont dans la filière générale en 2011, contre 76% pour les enfants de cadres et professions intermédiaires.
A l'inverse, les bacs techno et pro sont plus souvent obtenus par des enfants de milieux sociaux modestes. «Ces différences se retrouvent dans l’enseignement supérieur, avec des poursuites d’études courtes plus fréquentes (BTS-DUT) pour les jeunes moins favorisés», note l'Insee.
Et seulement 7% d’enfants de cadres. Ce sont les élèves qui sortent de l’école primaire sans maîtriser les fondamentaux, les fameux «décrocheurs» dont on parle tant.
En 2009, pour les jeunes ayant terminé leur scolarité depuis 1 à 4 ans, le taux de chômage varie de moins de 10% pour les diplômés du supérieur à près de 50% pour les jeunes sans diplôme.
A bac + 5, les enfants d’ouvriers ont autant de chance d’être cadres que les enfants de cadres: c’est donc bien au cours des études que le «tri» s’effectue.
Depuis 10 ans, écrit l’Insee, la quasi-totalité de la croissance du nombre d’étudiants (80%) est due au secteur privé, c’est-à-dire aux écoles de commerce, paramédicales et sociales et d’ingénieurs. Ces écoles trouvent d’autant plus leur public qu'elles sont perçues comme plus efficaces et que la fac a mauvaise presse.
«En 2010, écrit l’Insee, un tiers des ménages est constitué d’une seule personne, contre un quart en 1982.»
Le vieillissement de la population n’explique qu’une partie de cette évolution, qui est avant tout la conséquence de changements de modes de cohabitation de la population adulte. Les personnes seules sont en effet majoritairement âgées de moins de 60 ans.
Cette proportion a doublé entre 1982 et 2010. «80 % vivent avec un couple (leurs père et mère ou un parent et un beau-parent) dont 58 % avec un couple marié et 22 % avec un couple non marié.»
C'est un peu plus de trois ans de plus qu'en 1980. En trente ans, l'âge au premier enfant est passé de 24,4 ans à 28,1 ans.
«En France métropolitaine, le solde migratoire est désormais positif sur de larges territoires dans l’Ouest, le Sud-Ouest, et le grand Sud-Est»,écrit l'Insee. En revanche, il est devenu négatif dans une bonne partie du grand Bassin parisien, comme on le voit sur la carte ci-dessous (le solde naturel compense néanmoins ces départs).
L'Insee note qu'«après une longue période de déclin, puis de stagnation entre 1982 et 1999, la population augmente à nouveau dans les communes rurales et les petites agglomérations de France métropolitaine».Le nombre de résidences principales est passé de 20 millions en 1983 à 28 millions en 2013, soit une augmentation de 40%. En comparaison, la population de la France a augmenté de 17% sur la même période, ce qui signifie que le nombre de résidences principales par habitant a considérablement augmenté en 30 ans (une conséquence notamment de la réduction de la taille des ménages).
Les logements sont de plus en plus grands. «La surface moyenne des résidences principales atteint 91 m² depuis le début des années 2000 contre 82 m² en 1984» écrit l'Insee, conséquence de l'augmentation de la part des maisons individuelles dans les résidences principales et de la taille de celles-ci. La taille des appartements est quant à elle restée quasiment stable.
A qualité de logement identique, les loyers ont augmenté de 150% entre 1984 et 2013, soit une augmentation moyenne de 3,2% par an. Cette hausse des loyers a été plus forte que celle des prix à la consommation, par exemple (+2,2% par an en moyenne sur la même période). Les prix des loyers des logements anciens ont eux explosé, avec des augmentations atteignant +15% entre 2004 et 2005.
Les revenus des ménages ont augmenté, mais ceux-ci en disposent un peu moins librement: en trente ans, la part des dépenses «pré-engagées» dans le revenu (qu'on doit assumer tous les mois) a grimpé d'environ 25 à 28% des revenus. En cause, le poids croissant des dépenses de logement et de télévision et télécoms (chaînes à péage, abonnement internet ou mobile...)
Si vous aimez fréquenter les magasins discount, une des principales innovations commerciales de ces dernières décennies, il vaut mieux habiter à l'est d'une ligne Brest/Nice: dans une grande majorité de départements, on y trouve un magasin de ce type pour 10.000 habitants, ce qui n'est pas le cas à l'ouest.
La part des dépenses des ménages consacrée à la culture est assez stable depuis trente ans (2012 est néanmoins son niveau le plus bas sur la période: 2%) mais ses cibles ont considérablement évolué. Les dépenses dédiées à l'audiovisuel, au cinéma, aux disques ou DVD ont notamment augmenté de 33%. Les entrées au cinéma dépassent 200 millions depuis 2008.
Livres et presse représentaient 65% des dépenses en 1980, et ces dépenses se sont depuis considérablement amenuisées. Diversification des loisirs et évolution des comportements l'expliquent. Ainsi en 1981, 74% des personnes de plus de 15 ans avaient lu au moins un livre dans l'année; elles ne sont plus que 70% en 2008.
Micro-ordinateur puis, surtout, téléphone portable se sont diffusés avec une rapidité comparable, par exemple, à celle de la télévision dans les années 60-70.
Jean-Laurent Cassely, Andréa Fradin, Grégoire Fleurot, Jean-Marie Pottier, Charlotte Pudlowski et Louise Tourret