La situation n’était pas bonne. Elle s'aggrave encore. Au point de parler désormais de « dépression collective » des Français, comme le fait Pascal Perrineau, le directeur du Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof). Ce dernier présentait ce lundi la cinquième vague du Baromètre de la confiance politique du Cevipof réalisé par Opinion Way. D’où il ressort que pour la première fois depuis 2009 - date de la création du baromètre- la « morosité », avec une majorité relative de 34 %, est en tête des items cités par les Français, en hausse de 9 points. Devant les tout aussi réjouissants « méfiance » et « lassitude », quand derrière elles, la « sérénité » et le « bien-être » décrochent... Quant aux chances de réussite des jeunes par rapport à leurs parents, les trois quarts des Français estiment qu’elles sont moindres (+5 points depuis 2009) et 69 % des jeunes eux-mêmes partagent cet avis. « Une proportion redoutable pour l'état d’esprit collectif », lâche Pascal Perrineau.
Et si jusqu’ici la défiance était très forte vis-à-vis du politique, elle se diffuse à la « société de proximité » (« les autres ») et n'épargne pas, loin s’en faut, l’économique. Ainsi, 60 % des Français - en hausse de 5 points sur un an - estiment que leur situation financière va se dégrader sur les douze prochains mois. Pire, ils sont 65 % à le penser pour le pays. Loin de l'idée d’une reprise...
VIDEO L’analyse de Pascal Perrineau sur le virage social-démocrate
Quant à la perception de la compétitivité des entreprises tricolores, elle est, malgré les discours de l’exécutif autour du CICE, en berne : elles sont compétitives pour 29 % des Français, en chute de 7 points depuis décembre 2012 et ne le sont pas pour 69 % (+ 6 points). « L’effort n’est pas perçu et c'est dans ce contexte que va devoir se développer le discours de François Hollande » note le chercheur.
Le durcissement des valeurs constaté par le baromètre (« il y a trop d’immigrés » pour 67 % des Français et la moitié veut rétablir la peine de mort) et la « tentation du repli »se traduisent sur le terrain sur le terrain économique par une demande croissante de protection : pour 47 % des personnes interrogées - soit un bond de 17 points depuis 2009 - la France doit « davantage se protéger du monde d’aujourd’hui ». Seuls 23 % souhaitent qu’elle s’ouvre davantage. En corollaire, à peine 35 % des Français estiment qu’appartenir à l'Union européenne est une bonne chose pour la France. En chute de 17 points depuis octobre 2011. Presque autant pense le contraire (32 %, +9 points en deux ans). Un état de l’opinion qui bien évidemment va peser sur les élections européennes de mai prochain. Et que le Front national, avec son discours très europhobe, a bien perçu.
Petite consolation, si la défiance à l’égard du politique n’a jamais été aussi forte avec 87 % des personnes interrogées jugeant que les responsables politiques ne se préoccupent peu ou pas du tout de leur avis (+ 6 points), la figure du maire se redresse depuis 2010, inspirant majoritairement confiance (61 %). Mais, et c’est le plus grave pour la cohésion sociale et les élections à venir, les Français, critiques sur le politique, estimaient en 2009 à 50 % que la démocratie fonctionnait. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 30 %. Quand 69 % - en hausse de 21 points - jugent que la démocratie ne fonctionne plus.
VIDEO L’analyse de Pascal Perrineau sur l'impact de l’affaire Closer
INTERVIEW Pascal Perrineau : «La défiance à l’égard de la politique n’a jamais été aussi forte» (27/12)
POUR EN SAVOIR PLUS :
DOCUMENT L'intégralité du baromètre