
Management : Le sondage révèle des clivages. Les femmes se sentent plus dépassées que les hommes (29% contre 18%). Idem pour les catégories sociales moins favorisées. Les nouvelles technologies génèrent-elles une société à deux vitesses ?
Ronan Chastellier : Pour ce qui est des femmes, je dirai qu’elles se montrent probablement plus sincères et lucides que les hommes ! D’un point de vue anthropologique, leur lien à la nature et à l’enfantement les rend évidemment plus réceptives à cette chronologie du temps long, par opposition au temps court et à l’urgence. Pour ce qui est des hommes, si vous me permettez cette lecture lacanienne du rapport à l’objet, le nouveau phallus symbolique serait aujourd’hui l’iPhone, qui a tout pouvoir… Plus sérieusement, la question du clivage social me semble assez préoccupante chez les jeunes. La technologie n’est pas un facteur d’harmonisation sociale chez les enfants, comme on pourrait l’imaginer en première analyse. La culture par l’écran, via Google,Wikipédia, etc., va opérer une ségrégation
sociale entre des jeunes qui s’en remettent exclusivement à ces outils et d’autres, plus nuancés, qui savent bien qu’une heure devant un écran n’équivaut pas à une heure devant un livre. A haute dose, on sait maintenant que l’écran provoque un déficit d’attention et des carences culturelles.
Management : Finalement, même si, dans votre ouvrage*, vous préconisez un retour à la simplicité, comme le tentent les “low geeks”, ces technophiles qui souhaitent revenir à l’essentiel, personne n’a la possibilité de tourner le dos aux nouvelles technologies…
Ronan Chastellier : Vivre sans objets communicants, c’est toujours possible. Certains le font de manière caricaturale et régressive, mais ils n’appartiennent plus à leur époque et basculent dans le passéisme. A l’inverse, se laisser berner par tous les artefacts et les options merveilleuses de la technologie présente aussi des inconvénients. La technologie exige une forme de tempérance, un bon rythme à trouver. Un retour à davantage de simplicité, à moins d’artifices, est souhaitable.
Propos recueillis par Sophie Noucher
* "Tous en slip ! Essai sur la frugalité contemporaine et le retour aux valeurs simples" (Editions du Moment).
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