24% des implantations d’ERP dans les entreprises échouent, selon une étude Chaos report Standish Group de 2009. Pour celles qui réussissent, elles sont 44% à enregistrer des retards avec des budgets dépassés. Des difficultés analysées grâce à notre retour d’expérience et validées par trois industriels.
L’instauration d’un ERP dans une entreprise ne peut être simplement vue comme un projet informatique. Au contraire, elle doit être la finalité d’un processus global d’organisation de l’entreprise.
Pour nous, le changement, c’est surtout avant la mise en place de l’ERP. La vraie gestion du changement repose sur la manière d’aider et d’intégrer de nouvelles pratiques et de nouveaux rôles avant la bascule vers un nouvel outil qu’est l’ERP.
Se basant sur plusieurs cas d’entreprises ayant mis en place des ERP, nous préconisons de définir en premier lieu une vision et des stratégies pour mettre en place une nouvelle organisation au sein de la structure.
UN ÉLÉMENT CLÉ : LES BONNES PRATIQUES MÉTIERS
Thierry Mangin, directeur des systèmes d'information chez Baccarat, va dans ce sens. Selon lui, "il faut un alignement des opérations sur la stratégie. L’informatique s’alignera sur les opérations. Les bonnes pratiques métier, maillons intermédiaires entre stratégie et ERP, ne doivent pas être oubliées."
Pour Bertrand Eteneau, directeur des systèmes d'information chez Faurecia, "Nous avons commencé le projet par les procédures métiers fondamentales du groupe. Pendant un an, nous avons rationalisé et validé les meilleures pratiques communes que nous voulions mettre en œuvre. Nous avons été ensuite extrêmement fermes pour dire qu'on ne dérogerait pas dans l’ERP à ces règles, sauf à la marge. Six ans plus tard, c’est encore un combat de tous les jours mais très utile pour intégrer rapidement et efficacement les acquisitions".
Nous constatons notamment que nombreuses sont les entreprises qui utilisent l’ERP, sans en connaître réellement l’objectif et ses contours. Par exemple, certains groupes espèrent via l’ERP, réussir à instaurer de nouvelles mesures organisationnelles, que la direction n’a pas réussi à mettre en œuvre.
Dans d’autres cas, l’ERP est vu comme la « solution magique » à toutes les décisions délicates. « L’ERP n’est pourtant qu’une boite à outils, explique Bertrand Eteneau. Il autorise les meilleures pratiques… et les plus mauvaises».
UN PROCESSUS PAR ÉTAPES
Une fois ces idées reçues balayées, il est essentiel de procéder par étapes pour parvenir à instaurer l’ERP. Il ne fait de doute que le temps investi au démarrage dans ces réflexions et validations est amplement regagné ensuite dans les étapes de déploiement. Un avis pleinement partagé par Stéphane Marnier-Lapostolle, membre du Directoire de Grand Marnier, "il faut soigner la communication, prendre son temps pour bien expliquer la nécessité des changements dans l’environnement des affaires. Il faut tester et retester les nouveaux modes opératoires, s’assurer de leur fonctionnement en réel avant de les mettre dans l'outil informatique".
"Grâce à un ensemble de procédures éprouvées et un système qui fonctionne bien, Faurecia réussit à déployer une cinquantaine de sites par an" confirme le responsable de l’équipementier automobile
Car, plus que la simple installation d’un ERP, les salariés vont être confrontés à un véritable bouleversement dans la gestion de leurs tâches. Il nous semble trop difficile pour des collaborateurs de cumuler changement de méthode de travail ou d’organisation, et apprentissage d’un nouvel outil informatique. On ne peut pas mêler une révolution métier avec une révolution informatique.
D’où l’intérêt de ne pas implanter l’outil informatique de l’ERP en même temps que la refonte complète des processus métier.
Il y a une réelle nécessité à écouter clairement l’utilisateur pour distinguer ses besoins, puis chercher les méthodes de simplification des tâches dans chaque métier avant l’implantation d’un ERP. D’autant plus que les ERP affichent une ergonomie complexe et peu intuitive.
Il est fondamental de travailler en amont et très tôt sur la qualité et la structuration des données de l’entreprise ainsi que sur une quête d’une réduction des coûts et des délais. Le lancement de la phase informatique ERP est trop souvent attendu pour s’en occuper, ce qui est un des causes de dépassement des budgets.
Seules une réflexion de réorganisation aboutie et l’instauration de meilleures pratiques métiers internes permettront d’endiguer le phénomène d’échecs aux démarrages des ERP.
Anne Vinagre, présidente d'AVL Consulting, et Michel Baldellon, ingénieur INSA Lyon