- Le 31 juillet 2013 à Paris. REUTERS /Christian Hartmann -
Le malaise français [4/4] La France aurait perdu sa «joie de vivre» selon certains Américains. Deux journalistes de Slate mènent une discussion transatlantique sur le sujet. Pour la France, Cécile Dehesdin, pour les Etats-Unis, Matt Yglesias.
De: Matt Yglesias
A: Cécile Dehesdin
Chère Cécile,
Oui, les Américains sont peut-être aveugles. Nous avons une foi sans limite dans le pouvoir de la mobilité sociale et dans le rêve américain. Mais si on regarde les revenus des familles, nous sommes en fait devenus un pays à très faible mobilité sociale.
En fait, même si les Etats-Unis ont relativement plus de mobilité sociale que l’Italie ou le Royaume-Uni, nous sommes loin derrière la France à ce niveau.
Ce qui est fascinant, c’est que les Américains ne sont pas particulièrement optimistes en ce qui concerne leur pays. Dans un récent sondage, 58% des gens ont dit que le pays allait «dans la mauvaise direction».
Quelques mois plus tôt, Gallup a trouvé que 65% des gens s’attendaient à ce que 2013 soit une année de difficultés économiques. Mais le même sondage disait que 69% des gens étaient optimistes quant aux chances économiques de leur propre famille pour l’année à venir.
C’est là le véritable paradoxe du caractère américain. Face à un moment de difficultés nationales sévères, les Américains reconnaissent qu’elles existent mais pensent que, personnellement, ils y échappent. Et ça fait longtemps que ça dure. Plus d’une décennie de données montre que les gens ont une bien plus haute opinion de l’école publique de leurs enfants que des écoles publiques en général.
Il existe en psychologie une proposition qu’on appelle «réalisme dépressif» –c’est l’hypothèse que les personnes cliniquement dépressives ont une vision plus réaliste des évènements qu’une personne lambda. Peut-être que c’est la maladie française.
Les Américains restent enjoués même face aux preuves de la crise, là où les Français laissent la réalité les rendre tristes.
Bien à toi,
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