Il existe de nombreux dispositifs publics pour contrer le chômage : initiatives locales ou régionales, actions de Pôle emploi, récemment contrat d'avenir ou contrat de génération, ou encore aides à l'embauche. D'autres idées, venues de pays - l'Allemagne, le Canada ou le Danemark - qui réussissent notamment à intégrer leurs jeunes mieux que nous, sont en cours de test ou de déploiement comme l'apprentissage massif, les emplois francs ou l'entreprise au coeur de l'école.
Mais quels que soient les politiques menées et les budgets consacrés, il faut d'abord restaurer la confiance entre les hommes et les entreprises, pour créer un climat propice à l'embauche. Comment ? En rapprochant les candidats et les entreprises par la valorisation de leurs richesses propres. Une idée simple, que chacun peut mettre en oeuvre, à la condition toutefois de faire évoluer les mentalités et les CV.
Dans son livre « L'art de se lancer », Guy Kawasaki consacre un chapitre entier à l'« art de recruter ». Il y fait part d'une expérience qu'il a vécue au Stanford Shopping Center à Palo Alto, en Californie, alors qu'il était responsable marketing chez Apple, et dont il a fait une règle pour ses recrutements. La voici.
Imaginez que vous êtes sur le point de recruter un collaborateur et que vous le retrouviez par hasard dans un supermarché. Il ne vous a pas encore vu. Vous avez alors trois possibilités :
1. Vous vous précipitez pour aller lui parler ;
2. Vous vous dites que, s'il vous voit cela ira, mais que, s'il ne vous voit pas, cela ira aussi ;
3. Vous faites demi-tour pour l'éviter.
Bien sûr, seule la première attitude valide l'embauche. C'est la richesse de ce collaborateur qui vous pousse à aller le saluer dans un supermarché ; en aucun cas son diplôme ou son expérience. Et c'est probablement votre attitude à ce moment qui le poussera à vous rejoindre parce que vous lui aurez montré que vos valeurs, celles de votre entreprise et les siennes sont en parfaite adéquation. Un bon recrutement est avant tout caractérisé par le partage de valeurs communes entre le candidat et l'entreprise. C'est de cette adéquation que dépendra la capacité du candidat à s'investir et à donner le meilleur de lui-même en travaillant pour une cause, un service ou un produit auquel il croit.
En faisant le choix de l'individu pour ce qui l'anime et ce qu'il a de commun avec son futur employeur, le recruteur gagne également une autre dimension, dont la puissance n'a quasiment pas de limite : la constitution d'une équipe à l'énergie positive, unie par la qualité de ses relations humaines. Pour atteindre cet objectif, nous devons modifier nos habitudes et faire évoluer le classique et ancestral CV au profit d'une présentation dépassant le diplôme et les acquis. En agissant ainsi, l'entreprise élargit son spectre de recherche de candidats et s'ouvre à des profils différents et porteurs d'une diversité génératrice de créativité et de valeur. Enfin, elle contribue à la fluidification du marché de l'emploi en donnant sa chance à chacun.
Cela peut paraître paradoxal dans une société qui compte 5 millions de chômeurs (prenons les vrais chiffres), mais l'entreprise doit faire davantage d'efforts pour attirer les candidats. Elle doit être proche et désirable. C'est son intérêt. La défiance s'est installée entre les candidats et les recruteurs, surtout parmi les générations nées après le choc pétrolier de 1973, les années « crise ». Elles se méfient de l'entreprise, qui ne représente pas un cadre stable. Un phénomène qui ne fait que s'amplifier au fil des années et dont la génération Y, pour laquelle le niveau de chômage lui vaut d'être qualifiée de « génération perdue » par le Bureau international du travail, devient l'emblème.
Pour casser cet état d'esprit et recréer les conditions de l'échange, l'entreprise doit désormais se montrer accessible, transparente et préoccupée par le quotidien de ses salariés. Elle doit montrer un visage humain. Et cela commence par la petite annonce d'emploi.
Sur un journal papier comme sur Internet, une offre d'emploi se résume pour l'essentiel au descriptif de la mission proposée et du profil recherché. Il faut aller au-delà et donner au candidat toutes les informations qui lui permettent de comprendre réellement l'ADN de l'entreprise et de se projeter dans le poste (photos, recommandations, informations pratiques, etc.).
Cette démarche, signe d'une volonté de transparence, aide à instaurer une relation de confiance. Mais, surtout, cette démarche valorise le postulant, qui y verra de la considération et de l'attention.
Pour fluidifier le marché de l'emploi, il faut y croire. Croire qu'il y a des candidats motivés et travailleurs. Croire que l'entreprise peut réussir. Croire que son pays a de l'avenir.Nous devons adopter une attitude optimiste et cesser de dénigrer, nous remettre en question et déclencher le cercle vertueux du succès.
Hervé Solus est cofondateur de JOBaProximite.