Plusieurs géants de l'Internet ont pourtant démenti avoir activement participé à donner l'accès aux données privées de leurs utilisateurs. On a ainsi vu Mark Zuckerberg et Larry Page monter au créneau ces derniers jours...
Ces démentis sont risibles tant la loi américaine donne les pleins pouvoirs à la NSA. Ils disent avoir respecté la loi, mais c'est bien la loi qui est le problème ! Imaginons une seconde que ces responsables soient de bonne foi. La NSA peut très bien brancher directement une prise sur leurs serveurs, la loi les y autorise. Et imaginons que d'autres responsables de l'entreprise de technologie soient au courant, ils sont tenus par le secret et n'ont tout simplement pas le droit d'en parler.
Certains sites, comme Twitter, préviennent tout de même lorsque des gouvernements leur demandent des informations...
C'est peut-être vrai au début, ou dans certains cas bien précis. Mais, dès que le site devient important, ce type de résistance devient quasi impossible aux États-Unis. Il y a de toute façon une différence entre les interceptions ciblées se faisant sous contrôle de l'autorité judiciaire dans le cadre d'une enquête précise et les interceptions massives qui sont réalisées en toute impunité, surtout lorsqu'elles concernent les citoyens non américains. Le chiffon rouge de la "cyberguerre", dont Washington explique qu'elle est de plus en plus vive avec la Chine, tout comme la menace terroriste servent d'épouvantail aux autorités pour décrocher des budgets militaires monstres et faire voter des lois toujours plus intrusives, donnant à la NSA et au FBI des pouvoirs quasi illimités, sans aucune forme de contrôle par les citoyens. La question est d'autant plus préoccupante lorsque ces pouvoirs s'étendent aux citoyens non américains, qui ne sont donc pas protégés par la Constitution américaine.
Une telle surveillance est-elle imaginable en France ?
Les officines françaises bénéficient elles aussi de pouvoirs dérogeant au droit commun, par nature. Bien que l'Europe tout entière ait plus ou moins suivi les États-Unis dans leurs coûteux délires sécuritaires et dans cet état de guerre permanente "contre le terrorisme", il y a peu de chances que les services français aient autant de moyens et qu'ils se livrent à des écoutes aussi massives et généralisées... Ou si c'est le cas, des informations à leur sujet finiront bien par fuiter !
C'est donc ce qui explique cette attention focalisée en particulier sur les États-Unis ?
Ce qui apparaît dangereux ici, c'est la centralisation des données. Elle n'a jamais été aussi importante. Un très grand nombre d'utilisateurs d'Internet ont en réalité la plupart de leurs données personnelles (messages, contacts, affinités, photos, etc.) stockées chez ces entreprises américaines. La question de fond est d'ailleurs de faire confiance à des entreprises privées (qu'elles soient situées aux États-Unis ou non) pour protéger ses libertés fondamentales, comme sa liberté d'expression ou la protection de sa vie privée. Tant que les utilisateurs feront aveuglément confiance à Google ou Facebook, sans réaliser la valeur de leurs données personnelles et le caractère crucial de leur protection, ils resteront exposés à cette surveillance, qu'elle soit dans un but purement sécuritaire, politique ou commercial. En gros, faire confiance à Google ou Facebook, c'est être un peu "à poil" sur Internet... Nous voyons d'ailleurs actuellement ces mêmes entreprises, aidées par le gouvernement américain lui-même, faire pression sur les membres du Parlement européen pour les empêcher à tout prix d'imposer des règles permettant aux citoyens de reprendre le contrôle sur leurs données personnelles, contre leur utilisation abusive. Cette influence d'entreprises d'outre-Atlantique sur la législation européenne tout comme les questions entourant la protection des données personnelles sont particulièrement troublantes.
Justement comment un internaute lambda peut-il se protéger ?
Seul un chiffrement "point à point" des communications peut être efficace. C'est-à-dire (grâce à des outils comme GPG pour la messagerie ou OTR pour le chat par exemple) embrouiller mathématiquement vos données pour être sûr que seuls vos correspondants puissent les désembrouiller et y avoir accès. Sauf à utiliser ces dispositifs, il y aura forcément des intermédiaires qui pourront avoir accès au contenu de vos communications, un peu comme si vous ne communiquiez que grâce à des cartes postales. Par ailleurs, il faudrait utiliser des services internet décentralisés, plutôt que de faire confiance aveuglément aux géants du Net. Cela implique que les utilisateurs se posent des questions sur le fonctionnement de la technologie et cherchent activement à la maîtriser, par l'utilisation du logiciel libre notamment. Il s'agit là de questions cruciales, aux ramifications géopolitiques complexes, touchant à la politique industrielle et à l'éducation à la technologie qui auront des implications durables sur l'ensemble de notre société..