ENTRETIEN L’Allemagne serait-elle responsable, ou pas, d’une austérité européenne qui mènerait à la récession ? Depuis quelques jours des voix d’élèvent en France pour infléchir les positions de l’Allemagne sur la question des déficits ou la politique de la BCE. Nous avons posé la question aux candidats à la présidence du Medef pour connaître leurs positions. Au-delà du sujet politique, ils nous confient leurs convictions sur le rôle que pourraient jouer ensemble les patronats français et allemand. L’avis de Thibault Lanxade, président d’Aqoba et benjamin des candidats.
L’Usine Nouvelle - Etes-vous d’accord avec l’idée que l’Allemagne entraîne l’Europe dans une stratégie d’austérité préjudiciable à la croissance ?
Thibault Lanxade - Absolument pas. Certains tentent actuellement en France de se défausser sur l’Allemagne pour ne pas assumer la maîtrise de nos déficits publics. Mais il ne faut pas se cacher derrière le petit doigt d’Angela pour continuer à dépenser. Ce serait un mauvais signal qui pourrait se répercuter sur nos taux d’emprunts d’Etat. Il faut au contraire rassurer sur le chemin de l’assainissement budgétaire et dire où sont les économies ? Pour l’instant, on ne sait pas où elles se feront.
Certains plaident pour que l’Allemagne, qui est en meilleure santé que d’autres économies européennes, relance sa demande intérieure ?
L’Allemagne a fait des efforts importants qui ont pesé sur les salariés. C’est à elle de décider de plans de retour à meilleure fortune et si elle veut procéder à des réajustements. La revalorisation des salaires se joue au niveau des Landers et des branches. Il y a sans doute des marges de manœuvre, d’autant que le taux de chômage est bas et qu’il y a une certaine paupérisation des salariés. Mais ce n’est pas à nous de donner des leçons alors que nous ne maîtrisons pas nos déficits. Les laisser filer va conduire le gouvernement à accentuer encore la pression fiscale sur les entreprises.
N’y-a-t-il pas matière à mener une politique d’investissements coordonnée en Europe plutôt que de se focaliser sur la rigueur dans chaque pays ?
La solution la meilleure serait d’avoir une vraie politique économique européenne commune avec une relance d’investissements coordonnée. Avant de les lancer, il faudrait déjà harmoniser les règles de base sur le social, la fiscalité, les prélèvements. Cela pousserait les entreprises à agrandir leur terrain de jeu européen. Nous avons besoin d’un vrai chantier d’harmonisation, après nous pourrons tendre vers des programmes de relance économique.
Les patronats français et allemand ont-ils un rôle à jouer pour apaiser les dissensions politiques qui existent ?
Les patronats français et allemand doivent être à l’unisson sur l’enjeu d’harmonisation. Cela avance au rythme de l’Europe, c’est-à-dire, celui d’un sachet qui diffuse dans de l’eau tiède. Nous devons nous accorder car, comme on le constate sur de nombreux dossiers, la dynamique européenne passe par une entente franco-allemande. Cela a été le cas sur le brevet unique que nous avons pu mettre en œuvre dès qu’il y a eu accord entre la France et l’Allemagne. Sur l’accès au marché public, il y a aussi une grande convergence entre nos deux pays. Les patronats pourraient aussi réfléchir à des stratégies de filières dans certains domaines comme cela existe déjà dans l’aérospatiale. Mais ne nous leurrons pas sur les marchés d’exportation l’Allemagne est aussi notre principal concurrent.
Propos recueillis par Anne-Sophie Bellaiche