Joan Berkovic, 27 ans, a conduit sa statup Bankin' sur la route du succès. Mais il connaît bien les dangers qui guettent les jeunes entreprises, et donne une liste de "10 recettes" pour échouer à coup sûr... Une manière de conjurer le sort et d'éviter les erreurs à ne pas faire.
1/ Ne pas parler de son idée, par peur de se la faire voler
Erreur commune : croire que le simple fait d'énoncer son idée va inciter l'interlocuteur à se précipiter à l'INPI (Institut national de la propriété intellectuelle) pour la déposer, voire à créer une entreprise concurrente. En fait, cette croyance ne tient pas debout : d'une part, on ne peut pas déposer une idée. D'autre part une idée n'existe pas. Seule sa réalisation existe. Enfin, dans 99% des cas, une idée qui semble géniale à son inventeur paraîtra inintéressante à son interlocuteur. Par ailleurs, parler de son idée très en amont permet de la "tester", et de bénéficier de remarques ou de conseils intéressants.
2/ Perdre du temps à peaufiner le projet.
Le perfectionnisme peut nuire à la start-up : de toute façon, le produit ne sera jamais parfait du premier coup. Mieux vaut lancer une version prototype (les fameuses "versions beta" des sites Web) et attendre les retours des utilisateurs pour repérer et corriger les bugs. Attention à bien prévenir les utilisateurs qu'ils font partie d'une communauté, celle des pionniers, afin qu'ils ne soient pas surpris et déçus par les bugs.
3/ Débattre sans arrêt du produit et de la stratégie
En phase de création, la tentation peut être forte de se lancer dans des "brain storming" permanents : "Et si on faisait ceci ?", "Et si on développait telle fonctionnalité ?" "Et si on ouvrait un bureau aux USA" ? Comme tout est toujours possible à ce stade, il est tentant de rajouter des idées ou de remettre en cause celles qui ont été adoptées. Stop. Une fois que le produit a été conçu, une fois que la stratégie a été définie, il faut s'y tenir. Tout en laissant la porte ouverte au débat : pour cela, il est judicieux de définir des "plages de discussion" dans la journée ou dans la semaine.
4/ Croire qu’une idée est “techniquement impossible”.
Souvent, dans les nouvelles technologies et les startups, on a tendance à croire aveuglément ce que dit l’ingénieur, l’informaticien ou le technicien. Il ne faut jamais accepter de réponse du type : “c’est impossible”. Car en fait, quasiment tout est possible, techniquement. Simplement, une idée peut consommer plus ou moins de ressources financières ou temporelles, ce qui la rend plus ou moins opportune ou pertinente. Quand un technicien vous répond : “ton idée est impossible”, demandez-lui pourquoi. Creusez, approfondissez, et ensuite seulement, décidez de laisser tomber votre idée ou au contraire de persévérer.
5/ Croire au miracle
Trop de créateurs de start-ups pensent qu’un miracle pourra les sortir de toutes les situations. Exemple : un VC (“venture capitalist”, capital-risqueur, NDLR), va investir à la dernière minute dans l’entreprise et la sauver. En fait, il n’y a pas de miracle. Seul le travail compte et paye. Par exemple,Facebook marche très bien, mais ce n’est pas le concept qui est miraculeux -des annuaires en ligne, il en existait des centaines avant Facebook. Simplement, c’est la qualité de l’exécution qui a rendu ce réseau social incontournable.
6/ Mal s’entourer
C’est l’une des causes majeures d’échec de start-up. Le créateur doit absolument s’associer avec un profil complémentaire. Si les deux cofondateurs ont le même profil, ce sera vite ingérable. Par ailleurs, il vaut mieux avoir vécu de saines et bonnes engueulades avant de s’associer, que pendant l’aventure elle-même.
7/ Ecarter les “fausses mauvaises idées”.
Une “fausse mauvaise idée” est l’inverse de la “fausse bonne idée” -laquelle est une idée brillante mais qui ne débouche sur aucun modèle d’affaires. Une “fausse mauvaise idée”, en revanche, est une idée qui paraît fade ou déjà vue, mais sur laquelle peut reposer un business florissant. Quand j’ai lancé Bankin’ (une application pour gérer ses comptes bancaires depuis son mobile NDLR) , tout le monde m’a dit que les banques avaient déjà toutes leur application mobile, que les utilisateurs ne nous feraient pas confiance pour leurs données bancaires car ils ne nous connaissaient pas, et que les banques ne nous permettraient jamais d’accéder aux données financières de leurs clients. Tous ces obstacles sont tombés un à un, car nous avions une conviction : notre application n’inventait certes rien, mais elle améliorait l’existant, et le public a plébiscité notre app’ car ils ne la considéraient pas comme une “idée” bonne ou mauvaise, mais comme un simple outil qu’ils ont trouvé utile.
8/ Penser trop petit
En France, on aime penser petit et local. Aux Etats-Unis, on ne se donne pas de limite. Si la start-up est basée sur Internet, autant voir grand et international. Car ça change tout : le montant des investissements sera supérieur, le profil des salariés sera de meilleure qualité, vos interlocuteurs seront aussi d’un autre niveau -dans tous les domaines. En outre, si vous visez petit, un concurrent plus gros pourra facilement vous “bouffer”, et votre communauté d’utilisateurs sera trop petite.
9/ Faire un business-plan dès le début
Personnellement, j’ai utilisé les trois premiers mois de mon activité à bâtir un business-plan. Ce fut une perte de temps. Il faut le bâtir uniquement au moment où on cherche à lever des fonds. Il faut qu’il soit légèrement pessimiste (“conservateur”, dans notre jargon) pour que vos investisseurs apprennent plutôt des bonnes nouvelles et des dépassements d’objectifs, lors de vos réunions avec eux.
10/ Avoir trop d’argent.
Souvent, grâce à une levée de fonds réussie, la start-up peut se retrouver à la tête d’une montagne de cash. C’est un piège. D’autant plus que lors de la création, on n’a besoin que de trois éléments : un lieu pour travailler, dormir, et manger. Point. Le manque d’argent pousse à être rusé. Exemples : avec de l’argent, on peut rapidement “acquérir” un grand nombre d’utilisateurs. Mais ils ne seront pas vraiment actifs ou leur profil correspondra mal avec le profil souhaité. Sans argent, vous allez conquérir vos utilisateurs vous-même, un à un, et les connaîtrez bien mieux. Avec de l’argent, vous allez être tenté de sous-traiter. Or il vaut mieux développer en interne. Avec de l’argent, vous allez dépenser beaucoup, et rapidement. Sans argent, vous allez vous organiser pour tenir le plus longtemps possible. Avec de l’argent, les recrutements risquent d’être trop rapides et bâclés. Sans argent, vous sélectionnerez avec soin vos collaborateurs, car vous n’aurez pas le droit de vous planter.
Propos recueillis par Laurent Calixte