ÉCONOMIE - À quelques heures de la publication des chiffres du chômage qu'on annonce record, une étude du Conseil d'analyse économique (CAE) vient mettre son grain de sel dans le débat de l'emploi en France. Cette instance composée d'économistes chargés de conseiller Matignon n'y va pas par quatre chemins: la politique salariale française conduit tout droit au chômage de masse.

Le CAE souligne que les salaires ont continué de progresser depuis 2008 (+0,8%), malgré la crise. La France se distingue de ses principaux partenaires européens: les salaires réels ont ralenti aux Pays-Bas et diminué en Italie, Espagne et surtout au Royaume-Uni où l’inflation est nettement plus forte. L'Allemagne a vu ses salaires se redresser, mais seulement après une très forte baisse imposée avant la crise.

Du coup, la France n'a pas su adapter sa compétitivité pendant que la croissance ralentissait. Ce décalage "laisse craindre une dégradation supplémentaire de la situation de l'emploi", écrivent Philippe Askenazy, Antoine Bozio et Cécilia Garcia-Penalosa, tous membres du Conseil. Selon les auteurs, cet état de fait s'explique en partie par le fait que "les entreprises préfèrent réduire l'emploi que les salaires" pour "préserver la motivation des travailleurs et le climat social".

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  • Les petits salariés ont subi les licenciements

Le constat est sans équivoque: les réductions d’emploi ont touché en priorité les salariés à faible rémunération. Cette évolution de +0,8% s’explique donc par l’augmentation des rémunérations des salariés demeurant en poste. Le contrat de référence est toujours le CDI, difficile à obtenir mais dont le sésame protège des aléas du licenciement et des baisses de salaire. Cela a pour conséquence de réduire la flexibilité, dans une Europe forcée de s'adapter au ralentissement de la croissance.

Les accords de branche, concernant 90% des salariés du privé, sont une des sources du problème, indique le CAE. Pour retrouver une cohérence entre salaires et productivité, les économistes conseillent au ministère du Travail, qui use régulièrement de son pouvoir pour étendre ces accords à l'ensemble des entreprises de la branche, d'être "plus sélectif". Les dérogations aux minimas de branche doivent également être encouragées pour les entreprises en difficulté, soutiennent-ils.

Ainsi, les accords de flexibilité, facilités par la loi sur la sécurisation de l'emploi qui doit être votée définitivement le 14 mai, "doivent aller jusqu'au bout". Ces accords négociés aménageant temps de travail et rémunération devraient pouvoir "déroger aux minimas de branches" en cas de baisse temporaire des salaires.

  • Solution ? Pérenniser le Crédit d'impôt ou favoriser l'inflation

Une autre mesure serait d'"adosser clairement le financement de la protection sociale à une base fiscale", et pas seulement sur le salaire. Le Crédit d'impôt accordé aux entreprises dans le cadre du pacte de compétitivité "aurait un effet plus important sur le coût du travail et l'emploi" s'il s'agissait d'une mesure "pérenne", selon le Conseil. Décrite par le gouvernement comme "massive et sans précédent", elle ne doit s'étaler que sur trois ans.

La dernière baguette magique agitée par le CAE serait "d'améliorer le consensus politique en zone euro en faveur d'une politique monétaire temporairement accommodante". En clair, demander à la BCE de faire tourner la planche à billet afin de favoriser une hausse de l'inflation. Cette option a toujours été écartée par l'institution basée à Francfort, dont le mandat est de veiller à la stabilité des prix. On voit mal Mario Draghi bousculer l'ordre établi pour améliorer une situation franco-française.

Il faut donc faire vite, s'alarme le CAE. Si cette déconnexion "préoccupante" entre salaires et productivité observée en France se confirme, elle "rend très difficile une inversion de la courbe du chômage à moyen terme". François Hollande reste quant à lui droit dans ses bottes, ne s'écartant pas de son calendrier: le niveau du chômage commencera à baisser d'ici la fin de l'année...
 

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