Le cabinet de conseil McKinsey réalise depuis plus de six ans des études extrêmement factuelles sur la situation des femmes en entreprise. Le cinquième volet de sa série d’études "Women Matter" est une comparaison inédite des pratiques des entreprises en matière de mixité à l’échelle européenne. Plus de quarante entreprises françaises ont participé à l’étude, dont près de la moitié font partie du CAC 40. Voici les principaux enseignements qu'il faut en retenir, alors que le sujet de la place des femmes en entreprises est portée sur le devant de l'actualité à l'occasion de la journée des droits des femmes, vendredi 8 mars.
Où en sont les entreprises françaises en matière de mixité ?
Elles progressent! "L'étude montre que 57% d'entre elles en ont fait l'une de leurs 10 priorités stratégiques, alors qu'il y a encore quelques années, elles n'étaient que 20%", rappelle Sandrine Devillard, directeur associé senior de McKinsey au bureau de Paris et interrogée par Challenges.fr. Cela fait même partie du Top 3 des priorités pour 17% des sociétés françaises interrogées.
Elles font donc mieux que leurs homologues européennes où les ratios s'élèvent respectivement à 53 et 12%. "Nos études montrent que le sujet est désormais une priorité en Europe et aux Etats-Unis, mais pas encore en Asie, où beaucoup de travail reste à faire !", ajoute Sandrine Devillard. "L'engagement des entreprises françaises se reflète dans le niveau d'implication de la direction générale", note McKinsey. Et pour cause, 9 PDG sur 10 sont engagés en faveur de la mixité.
Quels sont les moyens employés pour favoriser la mixité ?
La progression de la mixité passe par la mise en place d'un véritable "écosystème" constitué de trois dimensions, selon McKinsey. Cela passe par "l’implication visible du management ; la mise en place de programmes de développement individuel des femmes visant à renforcer leur leadership ; et la mise place de processus et infrastructures RH".
Problème : malgré ces initiatives, les femmes sont toujours sous-représentées notamment au sein des comités exécutifs. Pourquoi ?
Certes, la situation a bien progressé au sein des conseils d'administration (12 points de croissance en depuis 2007, contre 5 points en Europe sur la même période), mais la loi est passée par là… [La loi Copé-Zimmermann de 2011 instaure des quotas qui entreront en vigueur par étapes: 20% d'administratrices minimum dans les conseils d'administration des entreprises, établissements publics à caractère administratif, industriels et commerciaux avant 2014 (ce qui représente 340 femmes au minimum) et 40% avant 2017 (900 femmes au minimum), ndlr].
En revanche, les avancées sont bien moindres au sein des comités exécutifs (ComEx) qui ne comptent toujours que 8% de femmes en leur sein. Mais les différences se rencontrent à tous les niveaux et pas seulement dans les instances de direction. "Ainsi, en France, les femmes représentent seulement 23 % des effectifs au niveau N-3, 16 % au niveau N-2 et 10 % au niveau N-1", rappelle l'étude.
Cela s'explique par plusieurs raisons. D'une part, "Une dizaine d'années sont nécessaires pour que les femmes accèdent aux comité de direction et les mesures ont commencé à être mises en place il y a seulement trois ou quatre ans. c'est donc juste une question de temps", assure Sandrine Devillard.
"Mais pour la majorité d'entre elles, nos travaux de recherche montrent que le problème réside dans la mise en oeuvre des mesures prises pour faire progresser la mixité", poursuit la directrice associée senior de McKinsey au bureau de Paris.
- Les indicateurs de mixité existent dans 74% des entreprises françaises, mais ceux-ci ne sont bien mis en oeuvre, c’est-à-dire suivis et/ou communiqués que dans 33% des cas.
- L’engagement de la direction générale ne se reflète pas toujours aux autres échelons de l’entreprise. Ainsi, 90 % des PDG français se disent engagés contre seulement 74% des cadres intermédiaires. De même, il existe un décalage important entre la mise en place des mesures et la perception des cadres intermédiaires sur le terrain, avec notamment un écart de perception important entre hommes et femmes.
Comment rectifier le tir ?
Le cabinet de conseil propose 4 pistes après avoir analysé ce que faisaient les entreprises performantes sur le sujet et qui réussissaient à compter 20% de femmes dans leurs fonctions de direction.
- Maintenir un fort engagement de la direction générale et s’assurer que ses effets concrets soient perçus à tous les échelons de la hiérarchie. Pour cela, les dirigeants peuvent notamment: montrer l’intérêt économique de la mixité pour l’entreprise ou encore montrer l’exemple par des actions concrètes.
- Développer des indicateurs permettant de mesurer la situation et les progrès réalisés et s’assurer que ceux-ci soient utilisés pour cibler et améliorer en permanence les actions menées. Les données intéressantes à observer sont notamment: la proportion de femmes lors de promotions ; leur taux de conversion d’un niveau de séniorité à un autre ; leur taux de participation à des programmes de développement des compétences de leadership, etc. L'analyse de ces outils permet, une fois installés, d'identifier de façon précise les éléments bloquants la progression des femmes.
- Catalyser le changement culturel et accélérer l’évolution des mentalités au sein de l’entreprise. McKinsey propose d'engager deux types d'actions : "impliquer les cadres intermédiaires, notamment masculins", et "lever les freins invisibles". "Il s’agit notamment d’identifier et d’ajuster les trajectoires de carrière qui ont été a priori conçues pour des hommes et qui pourraient freiner une femme dans sa progression (par exemple, en adaptant les nécessaires mutations en province ou à l’étranger au calendrier scolaire), et d’adapter le support 'logistique' proposé".
- Cibler les mesures les plus cruciales en fonction du contexte du pays et de la situation particulière de l’entreprise. "Au sein des entreprises françaises, par exemple, les programmes de développement des femmes, les programmes et événements de mentoring et les infrastructures et aides à la famille sont les mesures les moins bien mises en œuvre", conclut le cabinet de conseil.