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Les neurones à la loupe

10/2/13

 

 

Par  - Publié le   | L'Usine Nouvelle n° 3283

  Trois techniques d'imagerie du vivant dépassent leurs limites pour permettre l'observation du cerveau avec une précision jusqu'ici hors d'atteinte.

S'il est un domaine qui a bénéficié des progrès de l'imagerie médicale, c'est bien l'étude du cerveau. L'IRM fonctionnelle, qui permet de voir le cerveau en action, établit une cartographie des zones cérébrales impliquées dans une fonction. Mais pour continuer à déchiffrer le fonctionnement du cerveau humain et réaliser des diagnostics plus pointus, les chercheurs et les médecins ont besoin d'observations toujours plus précises afin de mettre en évidence les mécanismes moléculaires qui activent les neurones et les synapses. C'est ce que proposent des prototypes d'une nouvelle génération d'instruments, en microscopie, échographie et IRM, qui devraient trouver aussi d'autres applications en biologie et en médecine.

 

NANOSCOPIE : DES TISSUS VIVANTS OBSERVÉS À L'ÉCHELLE NANOMÉTRIQUE

Le meilleur des deux mondes. La nanoscopie réunit les atouts des microscopies optique et électronique. Méthode d'observation optique, elle permet d'étudier des cellules vivantes, avec une résolution qui s'approche de celle de la microscopie électronique. C'est d'ailleurs avec une technique de nanoscopie qu'un laboratoire de l'Institut Max Planck (Göttingen, Allemagne) a récemment réalisé une première : placer une souris vivante sous l'objectif d'un microscope pour observer ses neurones avec des détails de quelques dizaines de nanomètres. Une performance à ajouter au crédit du département de nanobiophotonique de l'institut, où a été inventée la microscopie Sted (stimulated emission depletion), une technique phare de la nanoscopie. Des instruments Sted sont aujourd'hui commercialisés par Leica.

Une autre méthode de nanoscopie, baptisée Palm (photoactivated localization microscopy), est commercialisée par plusieurs fabricants de microscope (Zeiss...). Mais des laboratoires de recherche construisent souvent eux-mêmes leur appareil. « Le Palm est plus simple à mettre en oeuvre et peut atteindre une excellente résolution de 10 nanomètres (nm). En revanche, la constitution d'une image est lente », indique Daniel Choquet, le directeur de l'Institut interdisciplinaire de neurosciences (CNRS, université de Bordeaux). Ce membre de l'Académie des sciences est un spécialiste de l'imagerie nanoscopique qu'il utilise pour étudier l'activité des synapses. Ses recherches, fondamentales, tentent aussi d'élucider les mécanismes subcellulaires dans certaines maladies (Alzheimer, Parkinson, Huntington).

La nanoscopie trouve le moyen de s'affranchir de la « limite de diffraction » des microscopes optiques, qui les empêche de distinguer des détails plus petits qu'une demi-longueur d'onde de la lumière, soit environ 200 nanomètres. La méthode Palm résout la question en utilisant des marqueurs fluorescents qui permettent d'« allumer », à l'aide d'un laser, une molécule unique dans la cellule. Répéter l'opération des milliers de fois livre une image de très haute résolution. Efficace, mais lent... Le Sted, lui, utilise aussi des colorants fluorescents, mais synchronise deux lasers pour illuminer un point et immédiatement réduire la taille du spot en « éteignant » sa périphérie à l'aide du deuxième laser. Et passer ainsi la « barrière de diffraction ». Aujourd'hui, le Sted permet l'observation de tissus (et non seulement de cellules isolées), mais est limité en pratique à 50 nm. Même si rien ne lui interdit de progresser encore. En réalité, les deux technologies sont complémentaires. Le laboratoire de Daniel Choquet utilise les deux et est labellisé comme centre d'essai pour le projet Euro-BioImaging d'infrastructure européenne d'imagerie du vivant. Car au-delà des neurosciences, la nanoscopie, qui permet d'observer les phénomènes dynamiques dans les cellules à l'échelle des molécules, ouvre un vaste champ de recherches à la biologie cellulaire. Une prochaine étape verra l'association de la nanoscopie et de la microscopie électronique, qui garde l'avantage de mettre en évidence les structures de la cellule.

 

INNOVATION ET RÉSULTATS

Avec la nanoscopie, la microscopie optique franchit la « limite de diffraction » et atteint une résolution de l'ordre de 10 nanomètres, proche de la microscopie électronique.

Les effets attendus

  • Observer des structures subcellulaires dans des cellules vivantes ainsi que des phénomènes dynamiques à l'échelle moléculaire.
  • Développer l'observation dans des tissus entiers, même in vivo.

 

ÉCHOGRAPHIE ULTRARAPIDE : VOIR LES PHÉNOMÈNES TRANSITOIRES

L'Institut Langevin (ESPCI, Paris) a mis au point un nouveau système d'imagerie par ultrasons : une « caméra » ultrarapide pour filmer les flux sanguins dans les très petits vaisseaux qui irriguent le cerveau. Grâce à une technique d'imagerie ultrarapide (des milliers d'images par seconde), les chercheurs peuvent visualiser des phénomènes transitoires - comme une crise d'épilepsie, qu'ils ont observée dans le cerveau d'un rat - échappant aux méthodes actuelles d'imagerie du cerveau, l'IRM (imagerie par résonance magnétique) ou la TEP (tomographie par émission de positons). « L'échographie Doppler permet de voir les flux sanguins dans différents organes mais pas dans le cerveau, où les flux sont très faibles », indique Mickael Tanter, chercheur Inserm et responsable de l'équipe physique des ondes pour la médecine et la biologie à l'Institut Langevin.

L'efficacité de l'échographie Doppler ultrarapide a été vérifiée avec l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, à Paris. Des négociations sont en cours en vue de sa commercialisation, dès 2013. Il n'est pas question de concurrencer directement l'IRM : la propagation des ultrasons est perturbée par la boîte crânienne. Mais le Doppler ultrarapide peut remplacer avantageusement l'IRM pour les bébés (via la fontanelle). Les premiers essais vont démarrer très prochainement à l'hôpital parisien Robert Debré. Par ailleurs, la méthode pourrait être utilisée pendant des opérations du crâne. Elle facilitera aussi les recherches en neurosciences sur les petits animaux. À l'origine de la nouvelle méthode d'imagerie du cerveau, il y a la technique d'échographie ultrarapide développée par l'Institut Langevin (l'échographie traditionnelle produit quelques dizaines d'images par seconde). Elle est déjà utilisée pour effectuer un diagnostic plus précis sur des tumeurs, notamment du sein, avec un instrument commercialisé par Supersonic Imagine (400 exemplaires vendus depuis 2009). Sur les mêmes bases technologiques - l'invention des miroirs ultrasonores à retournement temporel - l'Institut Langevin projette d'autres applications. En thérapie cette fois. Cette technologie peut être utilisée pour focaliser une grande quantité d'énergie en un point et traiter ainsi des tumeurs cérébrales. Après un prototype de laboratoire, un système « clinique » doit être construit. La méthode sera testée dans le cadre du projet UltraBrain, labellisé Equipex (équipements d'excellence) par les investissements d'avenir.

Les ultrasons sont aussi un moyen de délivrer sur commande un médicament dans le corps : embarquée dans une nanoémulsion, la molécule active est libérée au moment propice par l'action ciblée des ondes ultrasonores. Une start-up doit être créée pour développer le procédé.

 

INNOVATION ET RÉSULTATS

L'échographie Doppler ultra-rapide, à plusieurs milliers d'images par seconde, est assez sensible pour détecter les flux sanguins des très petits vaisseaux du cerveau, qui manifestent l'activité cérébrale.

Les effets attendus

  • Observer des phénomènes transitoires dans le cerveau.
  • Obtenir plus facilement des images de nouveau-nés.
  • Une nouvelle technique d'imagerie peropératoire du cerveau.

 

IRM À HAUT CHAMP : POUR UN DIAGNOSTIC PLUS PRÉCIS

Voir un neurone fonctionner dans un cerveau humain ? On n'y est pas encore. Mais l'équipement d'IRM (imagerie par résonance magnétique) qui sera installé au laboratoire Neurospin du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) de Saclay permettra de voir un « paquet » d'une centaine de neurones (soit 0,1 mm). Cela est dix fois plus précis qu'avec les meilleurs IRM actuels. Pour mieux comprendre ce qui se passe dans nos têtes, une seule solution : augmenter le champ magnétique des équipements d'IRM afin d'accroître le contraste et la résolution des images.

Le nouvel instrument de Neurospin affichera un champ de 11,7 teslas (T), là où les équipements courants actuels fonctionnent à 1,5 T ou 3 T. Neurospin dispose d'un IRM 7 T et même d'une machine 17 T, réservée à l'étude de petits animaux. L'IRM 11,7 T, lui, est conçu pour examiner l'être humain. Il dispose d'une ouverture de 90 cm de diamètre, pour passer la tête et le corps entier. Au coeur du système se trouve un énorme aimant de 130 tonnes, dont la fabrication a démarré chez Alstom. L'équipement complet est développé avec Siemens dans le cadre du projet franco-allemand Iseult. « Ce sera sans doute un prototype unique au monde. Sa réalisation pose des défis technologiques inédits dans l'IRM », souligne Franck Lethimonnier, le responsable d'Iseult pour le CEA. Ainsi, pour concevoir l'aimant, le CEA est allé chercher des solutions du côté de la physique des hautes énergies. Le fil supraconducteur en niobium-titane (NbTi) est poussé au maximum de ses performances en étant refroidi à 1,8 kelvin avec des milliers de litres d'hélium liquide : une technologie empruntée à l'accélérateur de particules LHC de Genève.

Quant à la méthode de bobinage, garante de l'homogénéité et de la stabilité du champ magnétique autour de la tête du patient, elle provient des projets de fusion nucléaire, tel le programme Iter. En IRM, des antennes émettent les ondes électromagnétiques pour exciter les atomes d'hydrogène des tissus qui, en ré-émettant des signaux, forment l'image. De nombreux brevets ont été déposés sur des techniques permettant d'atteindre des hautes fréquences (500 MHz), tout en maîtrisant les risques d'échauffement des tissus.

Restait une question importante : le confinement du champ magnétique intense - 200 000 fois le champ terrestre - dans la zone d'examen. Un simple blindage aurait demandé 1 600 tonnes d'acier ! Sans compter un coût substantiel et des problèmes de génie civil. C'est un blindage « actif » qui a été retenu : une bobine crée un contre-champ et annule le champ magnétique à l'extérieur de l'appareil. L'installation à Neurospin est prévue pour la fin 2013. Débutera alors une longue phase d'expérimentation. Observer un cerveau humain dans un IRM 11,7 T, l'expérience sera inédite : il faudra du temps pour apprendre à piloter l'appareil et pour obtenir de réelles avancées dans le diagnostic.

 

INNOVATION ET RÉSULTATS

Un aimant supraconducteur de 130 tonnes produit un champ magnétique record en IRM (11,7 teslas) dans une enceinte assez grande pour accueillir un être humain.

Les effets attendus

  • Des images plus contrastées et une résolution dix fois supérieure à celle des appareils actuels pour l'homme.
  • Un diagnostic plus précis.
  • Un instrument pour l'étude des processus cognitifs et la cartographie des fonctions cérébrales.
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