La principale vertu d'une crise, surtout lorsqu'elle est de nature structurelle comme celle que nous vivons actuellement, est de nous indiquer, "en creux", les pistes qu'il faudrait suivre pour faire évoluer la société dans le bon sens.
Une valeur fondamentale émerge aujourd'hui et se retrouve dans tous les chantiers sociétaux qui s'ouvrent devant nous: la solidarité. Même si cette notion est souvent galvaudée et récupérée, elle reste pourtant le point d'ancrage incontournable pour faire évoluer les relations humaines, notamment dans les échanges économiques. Nous nous devons donc de réinjecter de petites doses de solidarité dans nos rapports quotidiens, et particulièrement dans ceux vécus dans l'entreprise.
Car la solidarité, au sens étymologique, se lit de deux façons: comme le rapport de personnes ayant une même communauté d'intérêts, mais aussi comme le sentiment d'un devoir moral envers les autres membres du groupe. Ces deux éléments, qui devraient finalement être les actes fondateurs de toute entreprise, ne sont malheureusement pas des valeurs ressenties spontanément par les salariés dans leur sphère professionnelle.
Le partage du projet commun
Cela n'est pas un hasard si les nouvelles générations sont de plus en plus attirées par les petites structures de type PME/TPE, voire par des entités de l'Economie Sociale et Solidaire (ESS), seules capables à leurs yeux de leur apporter ce minimum syndical de gratification morale personnelle à la fin de chaque journée, même si cette posture peut être caricaturale.
Bien évidemment, pas d'angélisme: l'entreprise n'a pas pour vocation "d'aider" son prochain, collaborateurs ou autres parties prenantes externes. Mais le culte absolu de la performance, mixé à l'individualisme de notre époque (mais lequel est la cause ou la conséquence de l'autre?), vient nous montrer ses limites dans le cadre du travail: stress, défiance, perte de sens, démotivation, sont les signaux d'alerte d'un système qui a besoin de se régénérer rapidement. Comment? Autour d'une idée simple: le partage du projet commun, donc d'une certaine solidarité fondamentale.
La construction de la solidarité en entreprise
Et parce que la solidarité ne se décrète pas mais se construit, il va falloir remettre beaucoup de choses à plat dans l'entreprise. Dans le cahier des charges de cette construction solidaire, il s'agit:
- de mieux gérer les compétences en les responsabilisant intelligemment, de façon plus qualitative que quantitative.
- de mettre en place une reconnaissance des talents soutenue par l'échange d'information, la co-construction, le partage d'expertises.
- de libérer les initiatives en interne, et décloisonner régulièrement les services et les départements qui instituent souvent les fameux "prés carrés".
- d'être exemplaire en matière de gouvernance et de rémunération, de transparence, pour créer une véritable adhésion, dynamique et stimulante
- d'ouvrir l'entreprise vers les autres acteurs de la société civile, et notamment le secteur non-marchand, pour échanger, apprendre, s'inspirer au travers de partenariats.
Bref, la liste est longue, mais elle va dans un sens prometteur, celui du simple bon sens: nous habitons tous la même maison. Et c'est la RSE, la fameuse Responsabilité Sociale d'Entreprise -ou comment "Remettre de la Solidarité dans l'Entreprise"- qui doit s'emparer rapidement de ces enjeux concrets pour mettre en place ces fondations vitales, bien avant de penser à la pose des fenêtres et du toit. Car la maison "entreprise", quels que soient son activité, son objet ou son statut, peut réellement être un lieu d'épanouissement partagé, ouvert et plus... solidaire.